Une poursuite de l’affaiblissement du dollar et de la hausse du pétrole plomberait une hypothétique reprise européenne

 Les entrées de commandes dans l’industrie dans la Zone Euro au mois d’Août se sont accrues de 2% titre Eurostat. Pour être totalement objectif il aurait fallu ajouter « et elles sont revenues au niveau de celles d’il y a six ans en arrière » (FIG.I). Piètre performance dans une Europe à l’économie dopée par tous les plans de relance et autres primes à la casse. Dans les faits, les entrées de commandes de la ZE sont en retrait de 28% par rapport à celles enregistrées il y a deux ans, dont 29% pour l’Allemagne et 23% pour la France. Une telle nouvelle ne peut que rendre pessimiste sur les facturations de la fin de l’année.

Entrées-commandes-indice-2009-08

 Pour 2010 il est déjà connu que l’industrie automobile allemande, à la suite de l’arrêt de la prime à la casse dans son pays, prévoit une année 2010 en fort retrait. De plus, le retard accumulé par cette industrie dans le développement de modèles hybrides ou électriques n’est pas de nature à relancer la demande par une offre produit attractive qui est repoussée à…2012!

 Les nuages sur la reprise attendue de l’économie en Europe sont nombreux. Les plus menaçants sont la baisse continue du taux de change du dollar et son corollaire, la hausse des cours du pétrole.

 Le dollar, comme nous l’indique l’indice USDX coté sur l’ICE à Londres a perdu depuis le mois de Mars 17% de sa valeur (FIG.II) contre un panier de grandes monnaies (Euro, Livre, Yen, Franc Suisse, Couronne Suédoise, etc.). En parallèle les cours du pétrole sont passés de 40 $/baril à 80$/baril (FIG. IV).

USDX-2009-10

Cette flambée des prix du brut qui ne repose sur aucune base fondamentale solide, ne résisterait pas à une inversion de la tendance sur le cours du dollar. Mais il faut le reconnaître, les largesses de l’Administration Obama qui creusent les déficits américains et la volonté de la spéculation de faire monter les cours du brut vont, pour l’instant, dans la même direction, à l’encontre du hausse du dollar et d’une baisse du pétrole.
 L’Europe importe chaque mois dans les 50 millions de tonnes de pétrole et de produits pétroliers. La facture énergétique mensuelle, essentiellement en pétrole, depuis le début de l’année a oscillé entre 21 et 25 milliards de dollars (FIG.III), elle va grimper vers les 30 milliards avec un pétrole à 80$/baril. Cette ponction supplémentaire sur l’économie européenne n’est pas de nature à relancer la bête essoufflée.

EU27-fact-pétrolière-2008-2009

Quand à la spéculation, elle lance ses soi-disant experts pour essayer de maintenir la pression. Devant une hypothèse, bien improbable, de voir l’OPEP relever ses quotas, on peut écouter Adam Sieminski de la Deutsche Bank, une des Pythies du pétrole, affirmer sans rougir: « Le problème avec l’OPEP c’est que leur appareil de changement des volumes de production ne marche pas toujours…il n’a pas marché en Juillet 2008 parce qu’ils ne pouvaient pas produire plus…le problème maintenant c’est qu’ils ne sont pas « acheteurs » pour produire plus ». En clair Sieminski nous ressort l’escroquerie du peak-oil qui avait si bien marché pour lui en 2008. Par ailleurs (LIRE), il prédit l’euro à 1,60 $ et le pétrole à plus de 100 $/baril (« triple-digit level »).

L’autre corde de la spéculation est bien sûr la demande chinoise qui apparaît anormalement élevée ces derniers mois. Mais ont sait que la Chine est en train de constituer des stocks stratégiques qui, vus de l’extérieur, ressemblent à une consommation. Quand à la croissance du parc automobile chinois un calcul simple portant sur 10 millions de véhicules de plus par an, se concrétise par une augmentation maximum de consommation de 200 mille barils par jour. Il n’y a pas de quoi à relancer la spéculation à court terme.

Ces données permettent de penser qu’en raison de la léthargie économique européenne, il existe une bonne probabilité pour que, d’ici à la fin de l’année, la dégradation du dollar se ralentisse, malgré la défiance des milieux financiers envers l’Administration Obama. De ce fait, la spéculation devrait avoir beaucoup de mal à poursuivre son rallye sur le pétrole vers les 90 ou 100 dollars le baril. Les bateleurs en charge du maintien du climat à la hausse des cours des produits pétroliers, vont avoir de plus en plus de mal à trouver de bons arguments. Mais on a déjà vu le pétrole sans raison poursuivre sa course, canard décapité de la spéculation insatiable (FIG.IV)

Cours-WTI-2007-2010

Remarque pour René: la baisse des cours du WTI Vendredi 23 est corrélée à la hausse du dollar sur la séance.

Cours-WTI-USDX-2009-10-23 

Le 24 Octobre 2009


 

Commentaires

8 réponses à “Une poursuite de l’affaiblissement du dollar et de la hausse du pétrole plomberait une hypothétique reprise européenne”

  1. Avatar de waccsa
    waccsa

    Merci. Le double problème est que les USA ont besoin de contenir à la fois la déflation en cours et l’envolée de leur taux de chômage.
    Pour cela, rien de tel qu’une hausse du prix du brut pour créer une inflation artificielle, conjuguée à une dévaluation du USD pour booster les exportations.
    Les jeux sont faits ?

  2. Avatar de ray
    ray

    waccsa, le mécanisme est simple. Les opérateurs achètent du papier pétrole pour se couvrir contre la baisse du dollar survendu, en raison de la défiance des Marchés financiers envers Obama, trop « european style » avec sa Sécurité Sociale, sa politique écolo, son Cap and Trade sur le CO2 et ses subventions à l’industrie. Un dangereux gauchiste! C’est donc la politique gouvernementale américaine de soutien à l’économie qui creuse les déficits, affaiblit le dollar et fait remonter le pétrole. Un retour OBLIGATOIRE à une gestion plus orthodoxe des finances américaines fera un jour ou l’autre revenir le balancier. On verra alors remonter le dollar et baisser le pétrole. La seule question rouge concerne la date de ce retournement. Ce genre de politique financièrement débridée peu durer un an ou un an et demi (demander à Pierre Mauroy). Alors disons qu’il est possible de prévoir, au doigt mouillé, le renversement de politique économique US pour le printemps 2010.

  3. Avatar de René GRAU

    Bjr,
    j’apprécie avec grand intérêt les articles de M. Bonnaterre et chaque jour je scrute son Blog energie avec un très grande attention. Je le félicite chaleureusement pour la passion, la patience et la science qu’il il met.
    Je voudrai donner le point de vue d’un spéculateur – à titre privé – sur les matières premières et tout particulièrement sur le pétrole: pourquoi en achetons – nous ?
    C’est vrai que les stocks sont au plus haut, donc logiquement les prix devraient être bas… mais cela ne correspond pas à la réalité. La réalité c’est que la conso mondiale (tous liquides confondus) devrait tourner autour de 85 Mb/jour au Q4 2009. Or la production mondiale maximale pourrait être de 89 Mb/j actuellement donc nous avons un coussin ( = production maxi – conso (t)) d’environ 4 Mb/j. Avec le retour de la croissance économique, ce coussin va se REDUIRE * et c’est cela qui est valorisé. Ajoutons qu’un prix élevé des matières carbonées incite à la décarbonation des économies, l’inverse étant faux.
    RG.
    * la consommation progressant plus vite que les mises en production nouvelles

  4. Avatar de ray
    ray

    Mon cher René vous manipulez avec succès la théorie 2008 de la pénurie. Je vous recommande cependant de suivre avec beaucoup d’attention le taux de change du dollar qui me semble être cette année le paramètre de premier ordre. Pour illustrer mon propos je vous rajoute à la fin de l’article ci-dessus la variation du WTI à New York de Vendredi dernier qui a évolué comme vous le savez à contre-courant de la tendance longue du moment. La continuelle symétrie entre cours du dollar et cours du pétrole est aussi vraie à la hausse qu’à la baisse.

  5. Avatar de waccsa
    waccsa

    Oui, c’est ce que voudrait le bon sens.
    Mais quand vous dites « Un retour OBLIGATOIRE à une gestion plus orthodoxe des finances américaines », vous omettez un petit détail, l’arme secrète de la Fed : le quantitative easing, ou planche à billets (300 milliards USD en 2009). Ce sont principalement ces 300 milliards qui ont fait baisser le cours du dollar sur le Forex, puisque les obligations rachetées sont de long terme, ie sur le marché international. Tout est donc possible pour les temps à venir.
    En tout cas, vous avez à mon avis entièrement raison : le cours du pétrole est une simple fonction du cours de l’USD.

  6. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    Je partage le diagnostic pour l’année 2009 : on a un retour en force de la spéculation : l’argent déversé par les gouvernements en 2008 ne se retrouve ni dans les salaires ni dans les entreprises ; il doit bien se retrouver dans la spéculation sur les matières premières.
    mais sur le long terme attention
    La Chine produit 10 millions de voitures cette année ; le parc actuel est réduit ; la chine est un marché de premier équipement en voitures et non de renouvellement comme l’Europe, le Japon ou les USA ; l’augmentation du parc de voiture doit être plus proche de 7 à 8 millions que de 1.
    La demande chinoise en pétrole va augmenter les années à venir.

  7. Avatar de ray
    ray

    Vous avez raison Lucas j’avais fait le calcul pour un millon de véhicules et j’avais oublié de multiplier par 10. Sur la base d’une consommation de 1000 litres/voiture et par an on arrive à un accroissement de consommation de 172 mille barils par jour de produit raffiné.

  8. Avatar de JP
    JP

    Je ne parierai pas sur un tournant de la rigeur, à la Mauroy. Le scénario ne me semble pas trop pertinent, car Obama n’est pas le représentant de la gauche en guerre avec le grand capital. Obama est plutot l’agent d’une partie du grand capital américain, plus lucide, qui a compris que le modéle néo-liberal pur affaiblissait les US, et qu’ils n’avaient donc à long terme le choix qu’entre l’adoption d’une gestion à l’européenne, ou sinon la vassalisation par la Chine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *