La notion de transition suppose qu’un ensemble dépendant d’un ou plusieurs paramètres passe d’un état stable A vers un nouvel état stable B au travers d’un processus excité, plus ou moins bien maîtrisé, avec apport global ou émission d’énergie. Par exemple on utilise le concept de transition démographique pour décrire les transformations au sein d’une société dues à l’allongement d’espérance de vie des individus et à l’accroissement de leur niveau de vie avec réduction de la taille moyenne des familles. En physique, l’effet laser est le résultat d’une transition énergétique violente à la suite d’une excitation d’un groupe d’atomes par pompage optique, de même une révolution populaire est une transition politique violente, conséquence de frustrations cumulées et imperceptibles de nombreux individus isolés. C’est la raison pour laquelle il est très difficile pour un observateur d’annoncer l’imminence d’un processus révolutionnaire qui va conduire le plus souvent vers un état politiquement plus stable.
Le concept écolo de « transition énergétique » repris (naïvement ou électoralement?) par certains de nos leaders politiques les plus intelligents, parmi lesquels figurent d’éminents Énarques° et même des Polytechniciens, c’est vous dire…, ce concept donc suppose qu’il existerait un mix énergétique stable et vertueux vers lequel les nations devraient se diriger à marche forcée pour éviter la catastrophe climatique ou nucléaire (on ne sait plus trop) qui nous menace.
Mais l’histoire des ressources énergétiques utilisées par l’homme nous apprend que leur utilisation au cours du temps a procédé par accumulation, substitution partielle et perfectionnement technologique. Cette évolution n’a jamais été un processus de transition brutal mais une évolution continue du mix énergétique dépendant de la demande, de la disponibilité des ressources et des progrès technologiques.
Le bois et les taillis des siècles anciens sont toujours une ressource actuelle au travers des « pellets », des liqueurs noires et de la biomasse conduisant aux biocarburants. Leur avenir ne peut que s’intensifier au travers de la mise au point de nouveaux plants génétiquement optimisés pour qu’ils produisent plus de sucres ou d’amidon conduisant au bioéthanol.
Le charbon et le lignite sont toujours largement mis à contribution. Les procédés de gazéification intégrée (IGCC) vont permettre d’activer des turbines à haute température et limiteront partiellement leur caractère polluant. La capture du CO2 permettra de valoriser la ressource et d’accroître de façon rentable le taux de récupération de pétrole (EOR).
Les moulins-à vent et autres moulins-à eau de nos ancêtres ont fait place aux éoliennes et aux centrales au fil de l’eau.
Le pétrole et le gaz seront les ressources énergétiques majeures du XXIème siécle au travers de nouveaux gisements découverts en offshore profond et de l’exploitation d’immenses réserves de gaz non conventionnels.
La fission de l’atome restera une ressource précieuse d’énergie. Les futures générations de centrales permettront d’utiliser à fond la ressource. Prêcher la fin de l’énergie nucléaire alors que peu à peu les ressources fossiles s’enchérissent est un contresens économique et historique majeur…l’exemple français vient de nous montrer le caractère bassement politicien des arguments de certains hommes et femmes réputés « Verts » qui désirent eux aussi « aller à la soupe ».
La transformation directe de la lumière en électricité avec des rendements d’au moins 20% grâce aux modules photovoltaïques, deviendra un jour rentable dans les zones ensoleillées à faible prix de main-d’œuvre et peu éloignées des réseaux électriques locaux. Une ligne HVDC Tamanrasset-Berlin n’est pas pour demain.
Le mix énergétique n’est pas une fonction qui connaît un optimum stable. L’équation qui le régit dépend de nombreux paramètres en constante évolution. Citons la disponibilité de chacune des ressources, la maîtrise des technologies d’exploitation et de mise en œuvre, les prix du moment, les contraintes règlementaires, la volonté politique de favoriser ou de pénaliser telle ou telle ressource.
Le mix énergétique « optimal » varie donc dans le temps et selon les régions. Celui de la Suède à base d’atome et d’hydraulique n’est pas celui de l’Arabie Saoudite. L’arrivée des gaz de schistes peu onéreux américains est en train de bouleverser l’équation énergétique de ce grand pays.
Parler de « transition énergétique » est une escroquerie!
Alors sur fond de croissance de la consommation d’électricité, comment va évoluer le mix énergétique de la France dans les années à venir:
-tirée vers le bas par les prix dans les applications domestiques et par les nouvelles génération de voitures, de poids lourds, d’avions et de navires la consommation de pétrole va poursuivre sa décroissance. En baisse de 10% sur les dix dernières années (de 2,05 à 1,85 million de barils/jour) ce rythme de décroissance en volume devra se poursuivre pour tenter de limiter la croissance de notre facture pétrolière qui s’élève annuellement à 46 milliards d’euros. Les biocarburants participeront à cette décroissance, c’est là leur principale utilité.
– la consommation de gaz naturel, largement disponible, devrait croître, en particulier sous forme de GNL importé sur le marché spot, pour alimenter les centrales au gaz à cycle combiné (TGV) dont la puissance installée devrait atteindre les 6 GW en 2015 ou 6,5 GW si l’on en croit la décision possible d’EDF d’investir dans une centrale GE sur le site de Bouchain qui abrite pour l’instant une centrale au charbon. La France importe à ce jour pour 13 milliards d’euros de gaz naturel par an.
-la consommation de charbon (2 milliards d’euros par an) devrait décroître en raison de l’arrêt programmé de 13 groupes électriques avant le 31 Décembre 2015, soit une réduction de puissance de 3,6 GW. Ne resteront alors en France que 5 groupes d’une puissance de 2,9 GW en activité.
-la part des énergies renouvelables est appelée à croître avec un éolien qui progresse d’un GW par an et un photovoltaïque limité à 0,5 GW. Une plus forte croissance se répercuterait directement sur les prix de l’électricité et sur la nécessité d’investir massivement dans l’adaptation du réseau électrique national ainsi que dans les interconnexions avec les pays limitrophes.
-remplacer de la ressource électrique de base nucléaire par de l’énergie intermittente solaire ou éolienne est une fable pour endormir les gogos écolos. La seule option est de consommer plus de charbon ou de gaz ou d’énergie importée de pays limitrophes. C’est ce que fait l’Allemagne qui dispose de moyens financiers importants.
Une lecture édifiante sur le sujet: Le projet de développement décennal du réseau par RTE.
Le 29 Novembre 2011
°Remarque: que penser de la compétence des équipes de François Hollande dans le domaine de l’énergie qui le laissent parler « d’obligation écologique de réduire nos consommations de CO2″ comprenez « nos émissions de CO2 »? Accroître nos consommations de CO2 serait sûrement une bonne voie à explorer par l’industrie chimique. Elle pourrait déjà produire de l’urée que nous importons massivement d’Egypte et de Russie.
Ou encore que penser de la proposition suivante: « Par ailleurs, j’engagerai une politique cohérente de montée du renouvelable : solaire, éolien terrestre et maritime, biomasse…Des incitations fiscales pour la consommation comme pour la production contribueront au développement d’une industrie innovante et créatrice d’emplois, dont le CEA et AREVA seront les fers de lance ». Qui peut croire que de telles propositions puissent constituer l’ossature d’une prochaine politique énergétique?
« Réussir la transition énergétique »
Ecoutez Pierre Gadonneix dans une interview sur BFM le 30 Novembre qui explique l’inertie des choix énergétiques.

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