La France, imprégnée de colbertisme centralisateur, a toujours posé ses problèmes de besoins en énergie électrique de façon centralisée et globale. Cette démarche a permis à notre pays de s’équiper d’un parc de centrales nucléaires qui assure aujourd’hui plus de 81% de la génération électrique de notre pays, selon RTE. D’autre part, une partie non négligeable de l’énergie électrique, à hauteur de 12%, provient des centrales hydroélectriques de montagne ou au fil de l’eau, les 7% restants sont essentiellement assurés par des centrales à flamme au charbon héritées des anciens Charbonnages de France ou du vieux parc rénové d’EDF. L’ensemble manque de flexibilité et de réactivité ce qui oblige notre pays, globalement exportateur d’énergie électrique, d’importer en moyenne, aux environs de 1700 MW de puissance électrique fortement carbonée en provenance d’Allemagne, pour assurer les appels de pointes de courant ou les baisses inopinées de production nationale. Il est donc indispensable que le réseau français, trop rigide, gagne en souplesse dans sa génération de puissance électrique et par la même occasion, qu’il mette au rancard ses vieilles centrales au charbon. Cet appoint de réactivité peut être obtenu par des centrales au gaz naturel à cycle combiné couplées à quelques ressources renouvelables éoliennes ou photovoltaïques en nombre limité. Les réalisations en cours de centrales au gaz naturel à cycle combiné par EDF ou par Powéo sont donc une excellente chose pour notre pays.
Mais il est une autre façon de poser le problème de ce vaste réseau qu’est le maillage de génération, de distribution et de consommation d’électricité. C’est un ensemble qui n’est pas du tout centralisé et dans lequel chaque cellule de consommation élémentaire, la maison ou l’appartement, peut jouer un rôle important sur la consommation et l’appel de puissance. Notre pays dénombre 27 millions de foyers et 31 millions de logements environ, la différence représentant les résidences secondaires ou inhabitées. De nombreuses équipes de réflexion dans le monde, qui préparent l’avenir considèrent qu’un foyer peut être doté, grâce aux technologies modernes en pleine révolution, de capacités de stockage et de production d’énergie électrique. La maison ou l’appartement pourra alors optimiser sa ressource énergétique: c’est le concept du réseau d’énergie à la demande (on-demand energy network).
Je vous propose, pour illustrer ce concept, de faire un petit exercice chiffré concernant la France métropolitaine.
Notre pays consomme quotidiennement (hors grande industrie) entre 750 GWh au mois d’Août et 1400 GWh l’hiver d’énergie electrique nous informe RTE. Cela représente donc en moyenne entre 28 et 52 kWh par foyer. Nous allons supposer qu’un certain nombre de foyers vont s’équiper d’un moyen de stockage d’électricité (batterie) pour pouvoir assurer 10% d’autonomie de leur consommation hivernale, soit 5 kWh en moyenne. En d’autres termes ces maisons ou appartements pourront en moyenne se déconnecter totalement du réseau durant une ou deux heures par jour l’hiver et près de deux à quatre heures l’été. Si l’on suppose 20% environ des foyers français disposant de ce stockage (dans les 5,4 millions) cela représente une capacité de stockage quotidienne de 27 GWh mobilisable aux heures de pointe. Il faut comparer cette valeur à celle de l’énergie pompée en heures creuses dans les barrages de montagne qui est de 19 GWh par jour en moyenne.
Cet exemple simple et bien sûr trop approximatif, montre qu’une capacité de stockage d’énergie électrique raisonnable dans un nombre limité de foyers peut conduire à un accroissement important de la flexibilité de la demande du réseau. Ce report de pointes de puissance se concrétise par une moindre sollicitation du réseau et une moindre utilisation de moyens d’appoint de production hautement polluants.
Bien entendu il faut associer à cette capacité de stockage un système de génération photovoltaïque et à la présence éventuelle d’un véhicule électrique qui comportera une batterie d’au moins 16 kWh.
La maison ou l’appartement ou l’immeuble se comporte alors, à la fois comme un consommateur, un générateur et un stockeur d’énergie électrique. Il peut élaborer, en dialogue avec le réseau, sa propre stratégie de génération de courant en fonction de la météo, de stockage de complément en heure creuse, d’effacement en heure de pointe en fonction de la saison, de consommation du véhicule électrique et prendre en compte l’absence des habitants durant une plus ou moins longue période, etc., c’est l’énergie à la demande.
La mise en place d’un tel système complexe hautement décentralisé doit être élaborée au niveau national, par la publication de normes et de règlements, la mise en place d’une politique tarifaire incitative et le lancement d’un grand projet industriel et commercial associant les acteurs du marché de l’énergie électrique (distributeurs, industries de l’électrotechnique et des batteries). La France dispose de toutes les compétences intellectuelles et industrielles pour mener à bien un tel projet sur plusieurs décennies.
Les enjeux sont simples, ils peuvent se résumer ainsi:
- rendre les plus constants possible les appels de courant à l’échelle de la journée,
- s’affranchir des importations de courant en provenance d’Allemagne,
- participer au démantèlement des centrales au charbon en Europe,
- devenir un gros exportateur d’énergie électrique décarbonée en Europe,
- assurer les besoins d’énergies pour les futurs véhicules électriques (15 GWh/jour par million de véhicules)
- réduire la facture énergétique et les taxes carbone de chaque citoyen.
Le 16 Juillet 2009
–

Laisser un commentaire