Catégorie : énergie fossile

  • Les acteurs économiques sont-ils prêts à supporter à la fois une hausse des prix de l’énergie et une valorisation du dollar

    Les acteurs économiques sont-ils prêts à supporter à la fois une hausse des prix de l’énergie et une valorisation du dollar

     Les cours du brut qui se sont valorisés de plus de 5$/baril dans la semaine, ont atteint la zone des 80$/baril tout cela sur fond de valorisation du dollar par rapport aux autres monnaies. La poursuite probable de ce double mouvement durant les semaines à venir, décidée par les grands acteurs financiers du marché, en direction des 90$ ou 100$/baril, risque de poser à nouveau de graves problèmes à certains acteurs économiques. En effet un tel mouvement va transférer des milliards de dollars des consommateurs vers les acteurs de la spéculation, vers les pays producteurs de pétrole et de gaz, vers les groupes pétroliers et autres acteurs du charbon et de l'énergie dans le monde. Mais il va accroître la facture énergétique de nombreux Etats dont la santé de leur économie est plus ou moins vacillante. Alors qu'il est possible de penser que les pays de la zone Asie en plein processus de croissance absorberont sans trop de dommages un tel nouveau choc, il faut être pessimiste sur la résilience des pays européens devant un tel phénomène. Les importations de l'EU27 en combustibles minéraux se sont élevées, selon Eurostat, à 24 milliards d'euros par mois en 2009 (FIG.) alors que les exportations ne représentaient qu'un cinquième environ de ce montant.

     Import-EU27-combustibles-2008-2009

     Une augmentation des prix de l'énergie de 25% sur laquelle viendrait se superposer une valorisation du dollar de 10 à 15% porterait cette facture vers les 35 milliards d'euros par mois, les montants connus en 2008 avant la crise. Sacré antidote à tout plan de relance.

    Lors de crises pétrolières passées l'Europe qui partageait avec les Etats-Unis et le Japon la maîtrise de l'économie mondiale, avait alors réagi aux divers chocs grâce au processus du recyclage des pétrodollars qui venait booster les commandes d'investissement et d'armement. Un tel phénomène, compte tenu de l'effacement technologique des industries européennes, risque d'avoir un effet de plus en plus faible. Les Emirats achètent leurs centrales nucléaires à la Corée et le TGV Haramain Médine-La Mecque a bien des chances d'être en large partie chinois. Les pétrodollars repartent en priorité vers l'Asie!

     Un autre phénomène à plus long terme est à anticiper, c'est le départ du raffinage et donc de la pétrochimie d'Europe. Plusieurs raisons fondamentales militent pour la réalisation d'un tel évènement. Il y a tout d'abord la volonté des pays producteurs de pétrole et de gaz de s'intégrer vers l'aval afin de mieux valoriser leurs ressources. La Russie le déclare haut et fort, l'Arabie Saoudite est en train de construire d'immenses raffineries, le Qatar va de plus en plus produire de carburants par divers procédés gas-to-liquid. L'autre raison réside tout simplement dans la politique écologique de l'Europe qui a déjà déclenché du "carbon leakage" de ses industries par la baisse rapide des consommations de carburants qui va s'amplifier sous l'effet des prix et des taxes carbones en places ou en cours d'élaboration. Une zone qui voit ses consommations décroître et ses taxes augmenter ne peut pas conserver une telle activité sur ses territoires. Les salariés des raffineries de Total l'ont bien compris.

     En conclusion un accroissement hautement probable, bien qu'artificiel, des cours des produits énergétiques associé à une valorisation du dollar va globalement s'opposer à une reprise des économies européennes en raison d'un accroissement des prélèvements de ressources occasionnés, du faible recyclage dans l'industrie européenne de cette manne énergétique et de la disparition programmée de la pétrochimie. Il faut être pessimiste sur l'aptitude des industries locales à proposer des solutions efficaces de ripostes à ces menaces et sur la clairvoyance des politiques qui les pousserait à remettre en cause leurs choix démagogiques.

    Le 21 Janvier 2010

  • Relation entre PIB et consommation de pétrole: le divorce est définitivement établi

    Relation entre PIB et consommation de pétrole: le divorce est définitivement établi

    Au gré des lectures de papiers établis par de doctes personnages largement rémunérés ou d'institutions prestigieuses en charge d'établir des prévisions de consommations de pétrole, il n'est pas rare encore de voir évoquer une relation implicite positive entre évolution du PIB et consommation de pétrole. Ceci semble aller de soi et justifie parfois des prévisions de consommations à venir qui dépasseraient les 100 millions de barils/jour de pétrole dans le monde à l'horizon 2030.

    Afin de mesurer de façon pertinente la relation entre variation du PIB et variation de la consommation de pétrole dans une zone géographique ou économique donnée, il est nécessaire de bien effacer l'effet des variations relatives des monnaies et de l'inflation. Il est donc important de prendre la variation en volume du PIB à partir d'une référence connue. Pour l'OCDE par exemple il est utile de partir des variations trimestrielles en volumes (TABLE) et de calculer un indice de variation de PIB chaîné. En partant d'un indice 100 pour le T4 de 2002 il est alors possible de constater (FIG.) que jusqu'en 2005 il y a bien eu une relation positive entre consommation de pétrole et croissance du PIB. Entre 2002 et 2004 par exemple le PIB s'est accru en volume de 5,5% alors que la consommation de pétrole s'est accrue de 3,1%.

    PIB-pétrole-OCDE-2002-2009

    Inversement entre 2005 et 2007 alors que le PIB affichait une croissance de 6 points les consommations de pétrole dans l'OCDE ont régressé sous l'influence de l'accroissement des prix du pétrole et des mesures d'amélioration de l'efficacité énergétique des processus engagées par les acteurs économiques. Ce mouvement avec la crise financière puis économique s'est emballé en 2008 et 2009 pour afficher des chutes de consommations inattendues: le gaspillage antérieur était immense, des industries ont disparu, des services peu rentables ont été supprimés.

    Ce graphique montre clairement qu'entre 2005 et 2009 il n'y a eu aucune relation simple et monotone entre PIB et consommation de pétrole. La question qu'il est possible maintenant de poser est la suivante: la crise passée, la relation d'avant 2005 entre PIB et consommation de pétrole va-t-elle naturellement se rétablir? C'est ce que supposent les agences de prévisions américaines (EIA) ou de l'OCDE (IEA) qui voient pour 2010 une légère croissance ou une stagnation des consommations de pétrole au sein de l'OCDE (FIG. tirets vers la prévision EIA de 2010).

    Pour ma part je pense que ces Agences sous-estiment l'inertie et la puissance des actions engagées. Les actions de gains dans l'efficacité énergétique des processus vont se poursuivre. Les voitures, les poids lourds, les avions modernes consommeront moins de carburants; les raffineries de pétrole les moins performantes devront être fermées; les utilisateurs et les acteurs économiques prendront toutes mesures pour réduire leurs factures énergétiques. Ce mouvement de fond n'est pas près d'être terminé. Il faut donc prévoir que les consommations de pétrole au sein de l'OCDE vont poursuivre leur décroissance, dans un contexte de croissance limitée du PIB, en raison de la lenteur observée du rétablissement de l'économie.

    Prévoir comme le fait l'Agence Internationale de l'Energie, une croissance mondiale des consommations de pétrole de 1,6 millions de barils/jour entre 2009 et 2010 montre que cette institution n'a pas encore complètement compris l'ampleur des transformations en cours…mais ce n'est pas nouveau.

    Remarque: le même type de courbe établi pour les seuls Etats-Unis ou pour l'OCDE-Europe conduit à des remarques semblables.

    PIB-pétrole-USA-2002-2009 PIB-pétrole-OCDE-EUROPE-2002-2009


    Le 14 Février 2010

  • La baisse des consommations en produits raffinés au sein des pays OCDE se répercute sur l’activité aval de Total

    La baisse des consommations en produits raffinés au sein des pays OCDE se répercute sur l’activité aval de Total

     Tous les grands Groupes pétroliers mondiaux ont affiché en 2009 de mauvais résultats dans leur activité aval, le Groupe Total ne fait naturellement pas exception à la règle. Le raffinage au sein des pays OCDE est pris en ciseau entre deux phénomènes antagonistes: d'une part la baisse des globale des consommations en produits raffinés, limitant les volumes commercialisés et les prix, et d'autre part la hausse des cours du pétrole, largement affranchie de l'offre et de la demande en produits physiquement échangés mais beaucoup plus liée à des mouvements d'arbitrages et de couverture sur un marché hypertrophié et peu régulé. La rencontre de ces deux phénomènes se concrétise financièrement par un effondrement des marges de raffinage. Dans une telle conjoncture se sont les purs raffineurs, ceux qui achètent tout leur pétrole brut sur le marché mondial qui sont les plus vulnérables. Les Majors arrivent à limiter les dégâts et fonction du ratio R/P entre quantité de pétrole raffinée et production de pétrole et autres gaz liquéfiés. Ce ratio est de l'ordre de 2,25 pour Exxon qui raffine beaucoup plus de pétrole qu'il n'en extrait. Il est de 1,8 pour Shell qui vient d'annoncer un vaste plan de rationalisation de son activité de raffinage et de seulement 1,34 pour BP (hors TNK-BP). Dans le cas de Total ce ratio qui était autour de 1,6 en 2008 est passé en dessous de 1,5 au cours du dernier trimestre 2009 avec 1,4 millions de barils/jour de pétrole et autres liquides extraits et une charge de raffinage de 2,05 millions de barils/jour.

    Raffinage-2005-2009

     En raison d'une baisse de la demande, de la montée en puissance des biocarburants et de la concurrence avec les pays producteurs (Russie, OPEP) la baisse des activités de raffinage au sein des pays de l'OCDE est inéluctable. Les baisses de production de Total (FIG.) qui atteignent 13% au quatrième trimestre 2009 par rapport à celui de 2008, s'inscrivent dans le cadre de ce processus de fond qui n'en est qu'à ses débuts.

    LIRE la publication des résultats de Total au T4.

    Le 11 Février

     

  • L’OPEP encouragée par des cours du brut attractifs produit 2 millions de barils par jour de plus que les quotas

    L’OPEP encouragée par des cours du brut attractifs produit 2 millions de barils par jour de plus que les quotas

     Des cours du pétrole entre 70 et 80 dollars/baril (le panier moyen OPEP est ressorti à 76 $/baril au mois de Janvier) encouragent les pays membres de l’OPEP à toujours produire plus, bien au-delà de quotas théoriques fixés il y a maintenant plus d’un an (FIG.).

    Prod-OPEP-quotas-2010-01

     C’est ainsi qu’au mois de Janvier les productions de brut OPEP ont atteint les 26,8 millions de barils/jour à prés de 2 millions de barils/jour au-dessus du contrat. Cet accroissement sur le mois serait dû à des productions accrues de l’Angola et du Venezuela. Il y a peut-être là une explication à la présence de trois supertankers qui sont au mouillage dans le Golfe Persique apparemment chargés de brut iranien qui ne trouverait pas d’acquéreur, c’est du moins ce que nous dit Bloomberg.

     Dans son rapport du mois de Février, l’OPEP confirme qu’elle anticipe pour 2010 une croissance des consommations de pétrole mondiales limitée à 800 mille barils/jour par rapport à celles de 2009, la part des pays NON OCDE dans cette croissance restant limitée à 940 mille barils/jour.

    LIRE le rapport OPEP du mois de Février.

    Le 11 Février 2010

  • Alors pétrole! Tu pars en rallye ou tu attends encore?

    Alors pétrole! Tu pars en rallye ou tu attends encore?

     Les arbitragistes et autres hedgers du Dimanche ont pu constater, une fois encore, que le mois de Janvier n'est pas une bonne période pour les cours du pétrole, brève respiration se situant après les hausses de l'entrée dans l'hiver et précédant les jours plus amples du mois de Février. Durant la semaine écoulée il a été possible d'assister en vraie grandeur à une formidable manipulation des cours du WTI et du Brent. Dés les deux premiers jours de Février, profitant de la publication d'un indice ISM manufacturier supérieur à 58, le marché américain est reparti à toute allure à la hausse, le baril de brut se valorisant de plus de 4$ pour revenir vers les 77$.Cours-USDX-2010-02 Mais vouloir démarrer un rallye sur les cours du pétrole dans un climat de très faible demande, de ralentissement ou de fermetures de raffineries et d'annonce de résultats catastrophiques par les grandes Sociétés pétrolières dans l'aval de leur activité n'est pas chose raisonnable. La vigueur du dollar (FIG.) ou la faiblesse de l'euro, venant de plus pousser les hedgers à abandonner les commodities et à revenir sur la monnaie américaine, les gains sur le baril de début de semaine se sont plus qu'effacés Jeudi et Vendredi, le baril américain en fin de compte à 71$ a cédé près de deux dollars par rapport à la semaine précédente. Ce fut un remarquable faux départ comme la profession en a connu bien d'autres. La rumeur, reportée par Bloomberg, affirme que certains hedge funds, comme BlueGold auraient perdu des plumes sur le pétrole depuis le début de l'année.

    Mais alors me direz-vous, rallye ou pas rallye? La réponse est simple, pour ne pas se mouiller il faut envisager trois hypothèses (FIG.).

    Cours-WTI-2ans-2010-02 

    Soit une approche très théorique basée sur les fondamentaux du marché physique, reposants sur une offre abondante et une demande anémique qui devrait amener les cours à se détendre encore pour aller vers les 60$/baril ou même plus bas encore (FIG., flèche rouge). Les politiques monétaires plus restrictives, les approches budgétaires de ceux qui nous gouvernent plus rigoureuses pour éponger les colossales dettes des Etats, la faiblesse de la croissance économique en Europe et donc de l'euro, la querelle sino-américaine montante qui ne peut que nuire au flux des échanges, tous ces paramètres poussent certains à un franc pessimisme sur une possible reprise en fanfare de l'économie mondiale.

    Soit une approche très "bullish" (flèche bleue) dans laquelle on refait le match de 2008 avec 20 dollars en moins par baril. C'est le rêve du moment des opérateurs qui vont tout faire et raconter n'importe quoi pour qu'il se réalise. Les profits de leurs boutiques sont en jeu et leur bonus avec. Dans le climat économique et politique actuel un tel scénario semblerait totalement destructeur et adéquat pour amener le monde vers une nouvelle crise.

    La troisième hypothèse (flèche verte) est une fluctuation des cours autour des 70$ le baril qui permet aux pétroliers de gagner bien leur vie et donc d'investir, aux pays producteurs de favoriser ces investissements et à l'économie mondiale de poursuivre sa désensibilisation au prix de l'énergie par la poursuite de gains d'efficacité énergétique. C'est bien sûr l'hypothèse la plus raisonnable. Malheureusement, ce n'est pas la raison qui détermine les cours du pétrole, ce sont les deux ressorts des marchés: la peur et l'appât du gain.

    Le 6 Février 2010

  • Les surcapacités de raffinage mondiales rendent l’aval des compagnies pétrolières insupportable

    Les surcapacités de raffinage mondiales rendent l’aval des compagnies pétrolières insupportable

     Le monde pourrait manquer de pétrole nous dit-on. Peut-être, mais il ne manquera pas de raffineries. Le raffinage américain a tourné à 77,7% de ses capacités la semaine dernière, une des pires valeurs observées en période sans ouragan dans le Golfe du Mexique. La demande boulimique de pétrole américaine n'est plus au rendez-vous, les Sociétés contrôlent et réduisent leurs dépenses énergétiques en gasoil ou en kérosène, les raffineries qui utilisent de plus en plus d'éthanol et réduisent les productions des fractions de distillation à faible valeur ajoutée consomment moins de pétrole par gallon de carburant (LIRE). Au sein des pays OCDE, par rapport à une situation "normale", il est possible d'estimer les surcapacités de raffinage autour des 5 millions de barils/jour, pour un besoin de 46 millions de barils/jour, une moitié venant de la baisse des consommations et l'autre moitié provenant de l'utilisation des biocarburants et des gains opérationnels de rendements en carburants. Cet excédent est d'autant plus handicapant pour les Sociétés de raffinage que des stocks de produits raffinés officiels ou flottants ont été constitués depuis un an à titre spéculatif pour profiter de la courbe en contango des cours de ces produits. Enfin la profession sait que la situation ne pourra aller qu'en empirant avec les investissements massifs réalisés dans l'aval par l'Arabie Saoudite, dans les technologies de GTL au Qatar et par la volonté des dirigeants russes de favoriser l'exportation de produits raffinés en jouant sur les taxes à l'export. Plus tard viendront les investissements irakiens et iraniens. L'aval de l'industrie pétrolière va, durant la décennie à venir, se déplacer vers les pays producteurs du Moyen-Orient et vers la Russie. Des raffineries au sein des pays OCDE devront donc être obligatoirement stoppées.

     Réduction-raffinage-2010

     Tout au long de 2009 des raffineurs américains comme Valero ou Sunoco ont fermé certaines de leurs raffineries. A Aruba et à Delaware City pour le premier, à Eagle Point, N.J. pour le second. La volonté de Total de fermer sa raffinerie de Dunkerque est de notoriété publique. BP a présenté de piètres résultats dans ce domaine. Mais parmi les grands opérateurs c'est Shell qui vient de présenter le plan de rationalisation de l'aval le plus drastique. Après la conversion de la raffinerie de Montréal au Québec en terminal, Shell va se pencher en 2010 sur le sort de 5 raffineries de faibles tailles, représentant 566 mille barils/jour soit 15% de la capacité de raffinage du Groupe, dont quatre en Europe et une en Nouvelle Zélande (FIG., points jaunes). L'objectif affiché est de réduire encore les effectifs de 1000 personnes et d'économiser annuellement un milliard de dollars.

    CONSULTER la présentation de Shell

    Le 4 Février 2010

  • Un retour des cours du baril WTI vers les 70$/baril doit être sérieusement envisagé

    Un retour des cours du baril WTI vers les 70$/baril doit être sérieusement envisagé

    Malgré de grands opérateurs à la Goldman et autres Morgan qui veulent jouer encore et encore la hausse du baril de pétrole, le marché prend acte d'un certain nombre de signaux négatifs qui vont du raffermissement du dollar, à la poursuite de la baisse des consommations en produits pétroliers au sein des pays OCDE, à l'accroissement des productions de brut que ce soit au sein de l'OPEP ou dans les pays NON-OPEP, à l'existence de stocks flottants estimés à 150 millions de barils. Mais le signal le plus négatif est donné par les discours des politiques, sincères ou non, qui comme Obama répètent à l'envie la nécessité de limiter la prise de risques excessifs par le système bancaire et l'ardente obligation de mieux contrôler les Marchés. Les prises de paroles du patron de la CFTC, Gary Gensler, qui expose des plans détaillés de mesures de contrôle des opérations over-the-counter (OTC), apportent une traduction opérationnelle à ces discours présidentiels. Bien sûr, tout cela n'est pas encore joué et doit être amendé puis approuvé par les Commissions ad hoc du Congrès pour devenir opérationnel, mais le climat n'est pas favorable aux excès d'une spéculation débridée.

    Cours-WTI-Euro-2010-1

    Le repli du WTI qui avait stupidement dépassé les 80$ le baril au début du mois (FIG.) s'inscrit dans ce contexte plus défavorable aux envols. Un retour des cours du baril, accompagnant la hausse du dollar, autour des 70$, comme durant l'été dernier, semble être une hypothèse raisonnable en attendant je ne sais quel signal qui relancera la spéculation à la hausse, puisque Goldman-Morgan en a décidé ainsi. 

    LIRE la présentation de Gary Gensler sur la réforme des OTC.

    Le 30 Janvier 2010

  • Le raffinage américain, de plus en plus sophistiqué, consomme de moins en moins de pétrole

    Le raffinage américain, de plus en plus sophistiqué, consomme de moins en moins de pétrole

     Les statistiques publiées par l'EIA pour le mois de Novembre confirment la poursuite de la baisse des consommations américaines en produits pétroliers de 2,4% par rapport à celles d'il y a un an, à 18,55 millions de barils/jour. Ce phénomène s'accompagne d'une très faible utilisation de pétrole par les raffineries locales dont la charge est passée au dessous des 14 millions de barils/jour ce qui reporte l'observation d'un tel score, pour un mois sans ouragan, à plus de dix ans en arrière (FIG.).

    Raffinage-US-conso-2005-2010

    Cette baisse continue des consommations de pétrole par le raffinage américain, alors que la charge globale reste relativement stable autour des 17 millions de barils/jour, est une des données de base qui permettent de prévoir la baisse des consommations dans les années à venir. Elle est due à plusieurs paramètres.

     Le plus simple tout d'abord est l'utilisation croissante de fuel éthanol qui est utilisé pour produire essentiellement le mélange E10 qui représente maintenant 80% des consommations américaines d'essence. Sur le million de barils/jour de baisse des apports de pétrole aux raffineries entre 2005 et fin 2009, l'utilisation d'alcool qui est passée de 0,2 million à 0,7 million de barils/jour explique donc la moitié du phénomène. La montée en puissance d'utilisation d'alcool avec l'autorisation attendue par l'EPA du mélange E15 à 15% d'éthanol, devraient accompagner la poursuite de ce phénomène.

     L'autre paramètre important est la recherche de la profitabilité des opérations par les raffineurs qui recyclent de plus en plus les produits peu demandés et de faible valeur ajoutée pour favoriser la production de produits à forte marge comme le gasoil, le kérosène ou le propane l'hiver. Un baril de pétrole produit de plus en plus de carburants nobles et de moins en moins de charges pour la pétrochimie, d'huiles lourdes, de coke de pétrole et autres fonds de barils. Ces produits qui représentaient 18% des produits du raffinage il y a cinq ans n'en représentaient plus que 12% au mois de Novembre.

     La faible demande des transports en produits raffinés, le transfert de la pétrochimie vers l'Afrique et le Moyen-Orient, la fermeture des raffineries les moins performantes des pays OCDE, l'utilisation accrue de fuel éthanol aux Etats-Unis et de biogasoil en Europe devront permettre dans les années à venir, d'assurer la poursuite du mouvement de baisse des consommations de pétrole dans l'OCDE. Une baisse de ces consommations de près de 2% par an observée depuis 2005 (LIRE) permettra de libérer les 0,8 à 0,9 million de barils/jour nécessaires, pour l'instant, à la croissance économique des grands pays en voie de développement comme la Chine, l'Inde ou le Brésil.

     Un tel système conduira donc à des consommations de pétrole sensiblement stables dans le monde et non pas croissantes comme nous l'affirment les officines de prévision de tous poils dont le plus bullish est traditionnellement et maladivement l'IEA (LIRE).

    Le 29 Janvier 2010

  • Un exemple de croissance soutenable et de transition vers la décroissance: la population mondiale

    Un exemple de croissance soutenable et de transition vers la décroissance: la population mondiale

    Durant les années 1970, alors que la population mondiale croissait de 2% par an certains se sont inquiétés de la disponibilité potentielle des ressources naturelles. C'est de là que sont apparues, par exemple, les Etudes du Club de Rome et les théories du peak-oil. Depuis cette conviction d'une pénurie imminente a été entretenue par les acteurs de cette époque qui ont, bien sûr, pris quelques années, mais continuent inlassablement à nous expliquer les méfaits de toute progression géométrique et autres lois exponentielles. Une croissance de 2% par an conduisant à un doublement en 35 ans, il aurait été possible de prévoir mathématiquement à partir des 3,5 milliards de terriens de l'époque, une population mondiale de 14 milliards d'habitants en 2040. Or la prévision moyenne des Nations Unies annonce pour 2040 dans les 8,8 milliards de terriens. Alors que s'est-il passé? Le désir de bien-être des femmes de plus en plus nombreuses a pris le dessus sur les mathématiques. Devant la baisse de la mortalité infantile, l'effacement des coutumes et des religions face à l'éducation et avec la démocratisation de méthodes contraceptives plus ou moins élaborées, de plus en plus de femmes ont décidé de réduire le nombre d'enfants procréés. C'est ainsi que, malgré le vieillissement des populations mieux soignées, le taux de croissance annuelle de la population mondiale a régressé depuis les années 1970 pour atteindre en 2010 une valeur voisine de 1,1%. Les projections du scénario médian des Nations Unies sont basées sur une poursuite de cette décroissance (FIG.I) qui devrait passer en un siècle de 2% par an à 0% de façon quasi linéaire. Une extrapolation peu audacieuse de ces prévisions permet d'estimer que la population mondiale devrait passer par un maximum autour des 9,3 milliards d'individus vers les 2060 pour décroître ensuite.

    Population-mondiale-1950-2080 

    Ce processus bien analysé de Transition Démographique qui aura vu la population mondiale croître de façon provisoire en raison de son vieillissement, implique en retour, une décroissance à venir durant la deuxième partie de ce siècle. Le 21ème siècle connaîtra donc à la fois la baisse de la croissance puis la décroissance de la population mondiale.

    Pour illustrer ce phénomène il est utile d'examiner ce processus au sein de divers pays les plus avancés .

    Parmi les pays les plus avancés il en est un parfaitement représentatif: le Japon. Pour des raisons culturelles ce pays étant quasiment fermé à toute immigration de masse, il est possible d'llustrer par cet exemple le phénomène de transition démographique. La population du Japon est passée par un maximum entre les années 2004 et 2006, elle est entrée maintenant en phase de décroissance (FIG.II). En 2009 la population japonaise a baissé de 75 mille personnes avec 1144000 décès pour 1069000 naissances. 

    Population-japon-1950-2050

    A cette profonde modification des modes de vie des femmes japonaises, de plus en plus urbanisées et désirant participer à l'activité économique et culturelle de leur pays, il est intéressant de mettre en parallèle les consommations d'énergie de la population globale pour essayer de quantifier l'impact sur le monde du train de vie de ces 127 millions d'habitants évoluant dans un cadre de très haute technologie. La consommation cumulée sur 12 mois glissants d'électricité qui avait dépassé les 1000 TWh en Juillet 2008 a baissé de 8,5% depuis pour atteindre 925 TWh à la fin 2009. Quand à la consommation de pétrole, à 4,4 millions de barils/jour (FIG.III), elle est en baisse à l'automne 2009 de 18% depuis le plus haut constaté en Juin 2005.

    Conso-Japon-cumul-2005-2009-09

    Il est donc possible de constater que pour ce pays très en avance sur le reste du monde sur bien des points, de la technologie à la mode des teenagers, qui va être impacté par la baisse de sa population vieillissante, voit ce phénomène s'accompagner d'une baisse de consommation d'énergie et plus particulièrement de pétrole. Pour cette population largement urbaine, aux transports de masse largement développés, la possession d'une voiture par les jeunes générations est devenue une option de second ordre. Les fabricants de véhicules nippons essayent de lutter contre cette désaffection en proposant des modèles plus adaptés aux attentes du moment, tels que des véhicules hybrides puis, dans quelques mois, électriques.

    Parmi les autres populations du monde la Corée du Sud devrait suivre le schéma du Japon avec 15 à 20 ans de retard.

    Population-USA-1950-2090  L'autre modèle d'une transition démographique avancée mais impactée par une immigration soutenue est le modèle américain du Nord (USA, Canada) auquel on peut joindre l'Australie et les grands pays européens comme la Grande-Bretagne ou l'Espagne et dans une moindre mesure la France dont les flux migratoires assurent une croissance soutenue de la population.

     Pour les Etats-Unis la croissance de la population est dans sa phase de déclin. Une extrapolation des projections des Nations Unies permet d'espérer un maximum de population vers 2070 aux environs des 410 millions de citoyens, soit 100 millions de plus qu'aujourd'hui (FIG.). Dans ce type de pays tel que les Etats-Unis, le Canada et l'Australie, les consommations d'énergie devraient se stabiliser et même décroître en raison de l'importance du gisement que constitue la réduction du gaspillage. Pour ces pays l'évolution des populations dépendra pour partie des politiques d'immigration qui seront appliquées dans le futur.

    Le scénario qu'il est donc possible de retenir pour les pays les plus riches de la planète est un tassement rapide de la croissance de la population accompagné de son vieillissement. Elle devrait passer par un maximum vers les 2040 pour ensuite décroître. Ce phénomène, accompagné d'une forte urbanisation des populations, se traduira par une importante baisse des consommations d'énergie et plus particulièrement de pétrole de la part de ces populations. La baisse des consommations de pétrole des pays de l'OCDE déjà largement entamée (LIRE) devrait donc se poursuivre tout au long du siècle et compenser ainsi les croissances initiales de consommations des pays en voie de développement d'Asie ou d'Amérique du Sud.

    L'impact des évolutions des populations sur le monde et de leurs modes de vie sur les consommations d'énergie et autres commodities ont un effet pour l'instant mal évalué et difficilement quantifiable. L'adaptation des populations aux contraintes de prix ou de pollution, leur recherche de plus de bien-être, peuvent mettre à mal bien des prévisions. Ces processus d'adaptation participent à la soutenabilité d'une moindre croissance qui évoluera NATURELLEMENT vers la décroissance en raison du processus de transition démographique en cours qui implique vieillissement des populations suivi de la réduction de leurs tailles. Les deux phénomènes successifs, âge et nombre, devraient avoir de fortes répercussions sur les besoins en énergie des populations tout au long de ce siècle. 

    Remarque: le cas de la Chine constitue un cas particulier de transition démographique anticipée par la volonté politique des dirigeants qui ont édicté des règles sur les possibilité de procréation des femmes de ce pays. La population chinoise devrait passer par un maximum de 1,46 milliards d'habitants vers 2030. Nul doute que la décroissance de population qui suivra allègera faiblement les besoins en énergie et en diverses commodities de ce pays.

    Le 18 Janvier 2010 

  • Les prévisions de l’EIA de consommations mondiales de carburants pour 2011 n’intègrent aucune contrainte climatique

    Les prévisions de l’EIA de consommations mondiales de carburants pour 2011 n’intègrent aucune contrainte climatique

    La lecture des prévisions de consommations mondiales de "liquid fuels" publiées par l'Energy Information Administration américaine dans son Short-Term Energy Outlook du mois de Janvier, amène à avancer certains commentaires. Pour cette Administration la reprise économique mondiale en 2010 et 2011 ne fait aucun doute, elle prévoit donc une gaillarde croissance des consommations de carburants liquides de 1,08 millions de barils/jour entre 2009 et 2010, ainsi qu'une croissance encore plus marquée de 1,47 millions de barils/jour entre 2010 et 2011 (FIG.). Des croissances respectives de 1,3% et 1,7% des consommations de liquides accompagnent des croissances du PIB mondial de 2,5% en 2010 et de 3,7% en 2011.

    EIA-2008-2011-2010-01

    En particulier dans ces prévisions aucune contrainte climatique n'est évoquée. A une croissance de l'économie doit correspondre inéluctablement une croissance de la consommation d'énergie fossile. Pour apporter à ces prévisions quelques nuances je pense qu'il est au moins nécessaire de les corriger de la contribution des biocarburants à la demande mondiale. En 2009 les productions mondiales de biocarburants peuvent être estimées à 1,56 millions de barils/jour dont 0,3 millions de biodiesel. Pour 2010 il est possible de prévoir une forte croissance des volumes de biodiesel à 0,36 millions de barils/jour, une faible production d'éthanol au Brésil, en raison d'une faible récolte de cane à sucre (0,45 mbl/j), mais de fortes croissances de production d'éthanol aux Etats-Unis (>0,79 mbl/j) avec l'adoption du carburant E15 et dans le reste du monde avec l'arrivée des pays en voie de développement sur ce marché agricole peu complexe. L'ensemble de ces données permet de tabler, de façon prudente, sur des volumes de biocarburants de 1,75 mbl/j en 2010 et de 2 mbl/j en 2011.

    Les consommations mondiales de pétroles vues par l'EIA et corrigées de l'apport des biocarburants (FIG., courbe rouge) apparaissent alors plus mesurées et devraient ainsi demeurer en dessous des 85 millions de barils/jour d'ici à deux ans.

    Bien sûr les reprises de l'information de l'EIA dans la presse et les blogs amalgameront la nouvelle à de pures croissances de consommations de pétrole. Si cette Administration voulait faire monter les cours du brut et soutenir ainsi la spéculation, elle ne s'y prendrait pas autrement.

    CONSULTER les infos du Short-Term Energy Outlook de l'EIA

    Le 13 Janvier 2010