Dans ses écrits, « The Law of Accelerating Returns », « The Singularity is Near », Ray Kurzweil montre que la loi d’accélération exponentielle de Moore des capacités de calcul des semiconducteurs, peut être appliquée à bien d’autre domaines et en particulier à ceux de l’énergie. Son approche de non spécialiste de ces problèmes demeure assez générale et fortement liée aux progrès réalisables à l’aide de « la révolution des nanotechnologies » (LIRE sur le web un extrait des convictions de R.K. dans le domaine de l’énergie). Sans vouloir refaire du Kurzweil à la petite semaine, il semble intéressant de se poser la question suivante: parmi les évolutions technologiques actuelles, quelles sont celles qui peuvent permettre de réaliser des avancées d’un facteur 5, 10 ou 100 dans les années à venir, avec ou sans les nanotechnologies. Si cet inventaire est important il sera alors évident de conclure, comme le fait Kurzweil, que les extrapolations linéaires qui prévoient l’épuisement des ressources énergétiques, seront battues en brèches et classées dans l’immense répertoire historique des fausses certitudes humaines qui vont de la planéité de la terre à la génération spontanée.
Le premier domaine identifiable où des progrès majeurs peuvent être réalisés, concerne l’efficacité énergétique dans le domaine résidentiel et commercial. L’isolation des bâtiments, l’adoption de pompes à chaleur, l’utilisation de sources d’éclairement à hauts rendements, l’utilisation de panneaux solaire,etc. peuvent permettre de rendre quasi négligeables les besoins résidentiels en énergie. Les solutions existent, les règlementations dépendent des administrations nationales ou transnationales pour l’Europe, des incitations financières permettront d’accélérer les processus de mise en place. En effet les principaux écueils dans ce domaine sont la lenteur des réalisations et l’inertie des habitudes. L’accroissement des prix de l’énergie (fuel, gaz, électricité) devrait naturellement accélérer les processus dans les pays à fort gaspillage, comme les Etats-Unis.
Un autre secteur ou les progrès à accomplir sont importants et déterminants est le domaine des transports. Le transport routier qui est le plus important, avec des camions qui consommeront moins de 20 litres de gasoil aux cent kilomètres, avec des voitures hybrides ou électriques qui permettront de récupérer une partie l’énergie cinétique ou thermique (freinage, pot d’échappement), avec des infrastructures routières qui réduiront le nombre de bouchons de circulation. Le transport aérien arrivera à une consommation de kérosène inférieure à trois litres/km/passager. Enfin, les transports de masse avec des bus hybrides, des rames de métro modernisées et un maillage de TGV dans toutes les zones du monde à haute densité de population* rendront superflu pour beaucoup, l’utilisation d’un mode individuel de transport. L’accroissement inattendu par son ampleur, des prix des carburants est un formidable stimulant à l’accélération de cette révolution des transports. Ce qui était imaginable il y a un an, sur plusieurs décennies va démarrer avec les voitures électriques d’ici à 2010 au Japon et aux USA et en 2011 en Europe.
*Remarque: Un réseau TGV serait le bienvenu par exemple en Californie qui compte 36 millions d’habitants, ou au Texas qui en compte 24 millions. Huit Etats américains seulement, représentent 50% de la population des Etats-Unis.
Côté génération de courant il existe deux domaines où les progrès vont être exponentiels: le photovoltaïque et le nucléaire. Le photovoltaïque par mise en oeuvre de productions de masse de cellules en couches minces de grandes surfaces et réduisant par 50 les consommations de Silicium va permettre de réduire les coûts par 10 ou 20 des panneaux solaires dans la décennie à venir. Sharp est en train de construire une usine au japon qui produira un gigawatt (1000 MW) de cellules solaires. Ses grands concurrents européens ou américains doivent élaborer des plans similaires sinon plus importants. Les productions de cellules solaires qui ont atteint 2,8 GW en 2007, vont connaître une croissance exponentielle le jour où le prix non subventionné de l’énergie photovoltaïque sera compétitive avec l’électricité obtenue à partir de gaz ou de charbon. Compte tenu de l’effet de ciseau prévisible par la réduction de coûts des panneaux solaires et l’accroissement des prix du gaz et du charbon, cette inversion des prix de revient pourrait se produire d’ici à 5 ou 7 ans. En effet à raison d’une production annuelle de 2000 Wh par une cellule de 1W, en Californie, l’investissement initial peut être amorti en 5 ans pour un prix d’installation de 0,5$/watt et un prix de vente de l’électricité de 50$/MWh. Cet investissement de 0,5$/Watt n’est que le cinquième du prix actuel.
L’énergie électronucléaire attend elle aussi sa révolution, brisée par l’arrêt de Superphénix en 1997 et de Monju au Japon en 1995, avec l’arrivée programmée de la génération de réacteurs à neutrons rapides, surgénérateurs, dits de génération IV, qui réduiront les quantités d’Uranium consommées par un facteur 50. La charge après usage contient plus de matière fissile qu’elle n’en contenait initialement et qui peut donc être complétée, après traitement, avec de l’Uranium naturel ou appauvri. Mitsubishi Heavy Industries et AREVA travaillent de concert sur le sujet.
Dans le domaine du transport d’énergie électrique les technologies de très haute tension en courant continu ou de réseaux en matériaux supraconducteurs, constitueront les ossatures des grands réseaux électriques reliant les sources intermittentes et continues de création d’électricité et permettront de réduire dramatiquement les pertes en ligne. Le transport de gaz avec l’utilisation d’hydrate de méthane solide permettra d’accéder à un très grand nombre de gisements de gaz naturel à l’aide d’investissements modérés.
Par contre il existe des domaines ou les progrès dans les années à venir semblent plus problématiques. L’énergie éolienne par exemple ne semble pas devoir faire des progrès majeurs dans les années à venir. Bien sûr vont apparaître des éoliennes offshores de 5MW, mais qui vont coûter très cher à installer et à maintenir. Ces solutions offshore vont ôter le principal avantage de cette filière: la simplicité de mise en oeuvre. Sera-t-elle plus tard supplantée ou complétée par la capture le l’énergie des vagues ou des courants marins? L’autre filière problématique est la filière des biocarburants. Qu’elle soit de biodiesel ou de fuel éthanol de première ou de deuxième génération, elle souffre d’un problème de limitation de la taille des unités de production, en raison des problèmes de logistique posés par l’approvisionnement en matières premières. Une usine ne peut présenter qu’une taille artisanale sur une zone de quelques centaines de kilomètres carrés d’approvisionnement, la technologie doit donc être simple et ne nécessiter que peu de main d’oeuvre qualifiée. Les plus importantes seront les unités rattachées à l’industrie du bois (Stora Enso en Finlande ou Weyerhaeuser en Amérique), en charge de la valorisation des déchets; ou bien seront des usines situées dans des ports qui importeront les huiles végétales ou des graisses animales (l’usine Neste Oil à Rotterdam ne produira que 16000 barils par jour, celle de Tyson Foods en Louisiane 5000 baril/jour). Les fermes aquatiques produisant des algues ne déplaceront pas fondamentalement le problème. Ces technologies fortement subventionnées, éoliennes et biocarburants, risquent donc de ne rester que marginales dans le bilan énergétique mondial.
En conclusion, un examen des techniques connues montre que des progrès formidables dans les prochaines décennies, sont attendus dans la génération d’électricité avec les technologies photovoltaïques et électronucléaires de quatrième génération. De plus, la consommation d’énergie sera fortement infléchie dans les domaines du transport, du résidentiel et du commercial. Enfin le transport d’électricité devrait connaître des améliorations considérables. Bien sûr de nouvelles innovations dans l’amélioration des rendements énergétiques des procédés industriels viendront s’ajouter à ces progrès. Il est donc puéril, sinon irresponsable, dans un monde traumatisé par l’envol des prix de l’énergie, d’envisager des évolutions linéaires de consommations à l’horizon 2030 comme vient de le faire dans son scénario de base l’Energy Information Administration américaine (LIRE). Le monde consommera beaucoup moins d’énergie d’origine fossile en 2030 qu’en 2008.
Le 30 Juin 2008.
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