« En fait, ces forces politiques n’existent pas aujourd’hui. Commençons par la droite : elle s’est engagée tout entière aux côtés du système qui s’écroule sous nos yeux par pans entiers. La gauche, de son côté, est tétanisée depuis la chute du mur de Berlin. Le centre-gauche s’est lui rallié au néo-libéralisme. La gauche-gauche s’est montrée incapable en vingt ans de proposer le moindre projet de société alternatif. L’extrême-gauche a toujours été une pépinière d’idées neuves mais les applications et tentatives d’applications de celles-ci couvrent un éventail qui va du peu convaincant au catastrophique. Les verts nous ont appris que la richesse se mesure à la santé de la planète mais là aussi je ne vois pas émerger de réels projets : des utopies très indigestes oui, souvent très anciennes d’ailleurs.
Le mouvement « décroissant » est sans doute le plus cohérent mais j’ai déjà fait état de mes objections à son égard. En deux mots : la décroissance ne peut être un projet, elle est un symptôme. Elle a lieu sous nos yeux en ce moment-même où elle accompagne une crise financière et économique sans précédent. Lorsque les effets du « peak oil » se feront sentir – ce qui n’est pas encore le cas mais ne saurait tarder – la décroissance aura lieu si le solaire n’a pas été pleinement maîtrisé d’ici-là. Mais un symptôme n’est pas un projet et celui-ci reste à définir.
Les seules forces politiques susceptibles de forcer le pouvoir dans la voie d’un changement de paradigme émaneront donc de la base, et pour pouvoir constituer une majorité, devront ignorer les clivages politiques traditionnels. Cette base est constituée de tous ceux qui partagent le sentiment que l’espèce est menacée dans son existence, dans l’immédiat par la crise et dans dix ans par l’épuisement des ressources non-renouvelables. Un tel sentiment est par nécessité planétaire, mais non centré sur l’environnement conçu comme la planète sans nous : la justice sociale fait partie de son horizon. Planétaire au sens de Gaia : le système dans son entier, et une solution des problèmes fondée sur l’éthique. Deux soucis à première vue divergents ont empêché jusqu’ici la coalition nécessaire d’émerger et il faut rappeler aux deux bords : pas de redistribution sans survie, mais pas non plus de survie sans redistribution.
Un projet de cette nature peut produire de l’absolument neuf mais est également exposé à toutes les dérives. Il faut que les politiques se réveillent, se rallient à ce mouvement de la base et mettent leur expérience de la chose politique au service d’une canalisation de cette colère dans un cadre qui doit demeurer à tout prix démocratique parce que les ennemis de la démocratie sont prêts et s’agitent déjà dans les marges où la crise est évoquée dans une perspective critique.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.«
La solution aux problèmes économiques, politiques et énergétiques aujourd’hui, c’est LE politique.
Cet article rejoint mon analyse déjà développé ici, la décroissance peut venir sous deux formes, la paupérisation, d’abord, l’effondrement de la population ensuite qui ramène la planète à 1 ou 1.5 milliards d’habitants, ou la sortie par le haut, d’une nouvelle révolution industrielle.
Cette fois, c’est même le capitalisme (peu) triomphant qui met en garde en Grande-Bretagne.
Quand une personne met en garde, c’est un Cassandre, quand la mise en garde est générale, c’est qu’il y a problème, mais aussi, qu’il y a les plus grandes chances de résoudre, « par le haut », le dit problème.
Qu’on ne s’y trompe pas, la conjoncture où nous nous trouvons, n’a pas d’équivalent depuis la grande crise du XIV°siècle, crise qui fut énergétique, alimentaire, financière et seulement enfin, de dépopulation.
Vendredi 31 octobre 2008

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