Les cours du pétrole hésitent entre le casino et la dure réalité d’un marché en repli

D’un côté vous avez le pétrole papier grand support du Carry Trade, sport spéculatif qui consiste à emprunter du dollar à la FED à 0% d’intérêt et, avec l’aide de ce cash, à jouer au casino de la valorisation de tout autre actif, matière première, pétrole ou dérivés, actions diverses, autres monnaies, etc. Chaque fois que Ben Bernanke annonce, tout comme le faisait son prédécesseur magicien déchu, qu’il n’est pas venu le temps de la remontée des taux administrés, c’est une bouffée d’oxygène qui se répand sur les marchés. On a ainsi vu en début de semaine le WTI remonter vers les 80$ le baril.

 Mais l’autre côté est la dure réalité quotidienne du marché physique. Les raffineries américaines et sûrement européennes, entourées de stocks pléthoriques, ont de plus en plus de mal à trouver des débouchés pour leurs produits raffinés. Le marché lentement mais sûrement se rétrécit sous l’impact des mesures d’économies d’énergies des entreprises et des particuliers. La montée des biocarburants et la recherche tous azimuts de l’efficacité énergétique produisent des résultats qui, à la longue, impactent les marchés. Baisse naturelle d’un gaspillage indescriptible qui a vu son apogée dans les années 2005. Un indicateur est là pour montrer la dureté du problème, c’est le taux d’utilisation des raffineries américaines (FIG.). Alors qu’il se baladait autour des 90% dans les années d’insouciance, le voila qui vient de passer en dessous des 80%.

Raffinage-US-taux-2006-2009 

Il va falloir fermer des raffineries, les moins performantes, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Mais comme le dit de Margerie, la patron de Total, personne ne veut commencer le premier, de peur d’avantager les autres.

A moyen terme, la reprise des productions en friches irakiennes va peser lourdement sur la possibilité de régulation des volumes par l’OPEP. L’intégration vers l’aval de gros acteurs comme l’Arabie Saoudite va plomber les marges réalisées sur les produits raffinés. PFC voit les productions irakiennes s’accroître de 4,7 millions de barils/jour avec les seules adjudications déjà accordées, il estime les volumes disponibles à 3 millions de barils/jour de plus avec celles à venir. L’Irak troisième producteur mondial, c’est donc 5 à 8 millions de barils par jour de plus qui viendront approvisionner des marchés globalement stables ou en repli.

 Non, il n’y aura pas de pénurie dans le marché physique du pétrole et de ses dérivés, surtout si les cours « carry tradés » poursuivent leur rallye. Mais les derricks ne montent pas jusqu’au ciel.

Le 20 Novembre 2009
 

Commentaires

7 réponses à “Les cours du pétrole hésitent entre le casino et la dure réalité d’un marché en repli”

  1. Avatar de Harold
    Harold

    Monsieur Bonnaterre,
    je serais très heureux de m’entretenir avec vous par mails sur certains aspects assez techniques.
    Je vous fais part de mon adresse: haroldschuiten@gmail.com
    En vous remerciant encore
    Harold

  2. Avatar de Thermikenergie

    Bonsoir, au cours de mes recherches sur l’actualité énergétique je suis tombé sur votre blog.
    Suite a un projet scolaire de création de blog, j’ai ouvert un espace sur wordpress concernant l’énergie, n’hésitez pas a y passer: http://thermiqueenergie.wordpress.com
    Dans le cadre de cette expérience je voulais vous demander si un échange de liens vous intéresserait.

  3. Avatar de René Grau

    Bjr à tous,
    le prix d’un actif n’est pas toujours fonction de sa demande physique. Si la demande de pétrole est faible, celle de l’or physique est en chute libre ( jusqu’à – 40 % dans la région la plus touchée) … et pourtant… le prix de l’once ne cesse de grimper! ( situation parallèle d’avec celle du baril).
    Si nous nous tournons vers le passé, de 1970 à 1980, le prix de l’once est passé de 200 $ à 2000 $ ! ( en $ actuel). La demande physique de joaillerie n’y était bien sûr pour rien: les opérateurs de marché se sont couverts de la mauvaise situation économique en achetant de l’or.
    La situation actuelle est identique sur le baril comme sur l’once: la demande physique est devenue une variable d’ordre 2 voire 3.
    30 ans d’investissements m’auront appris qu’il est financièrement très coûteux d’avoir « raison » tout seul cher M. Bonnaterre…
    Encore bravo pour votre Blog.
    Cordialement,
    RG.

  4. Avatar de ray
    ray

    Non René je ne suis pas seul. Il en existe même des encore plus dépressifs:
    Nov. 20 (Bloomberg) — Crude oil prices may fall to about $60 a barrel in this and next quarter on weak demand from developed countries and growing inventories, Macquarie’s oil economist Jan Stuart said today.
    Prices will rise to an average of $80 a barrel in the latter part of next year because of the strengthening world economy, Stuart said at a conference in Hong Kong.

  5. Avatar de fredo
    fredo

    Si les stocks de pétrole sont pléthoriques pour quelles raisons j’ai acheté du fioul à 680 euros les 1000 litres?

  6. Avatar de Piflechien
    Piflechien

    Salut Ray
    merci pour vos chroniques toujours brillantes. qq questions auxquelles vous aurez surement des éléments de réponse:
    a) le gap WTI/Brent est en forte réduction (moins d’1$ v 2 $ il y a 6 mois) / comment l’interpreter ?
    b) quid des stocks flottants ? plus personne n’en parle ? ils ont été liquidés ou ils sont toujours la ? ou trouver l’info sur le montant de ces stocks ?
    c) regul offre demande : votre article met l’accens sur les facteurs en défaveur d’un ajustement baissier de l’offre, cependant il ne parle pas de la demande de pétrole Chine/Inde (qui devrait augmenter et probablement proposer de nouveaux débouchés au pétrole Irakien à MT) ni de la fermeture de la raffinerie de Valero dans le Delaware (cette seamine) qui me pousse à penser qu’au moins aux USA, les producteurs de pétrole vont restructurer leurs unités de production pour matcher la demande (aCT) …
    Cordialement
    Piflechien

  7. Avatar de ray
    ray

    Le gap WTI-Brent était jusque là fortement lié à la saturation ou non des stocks à Cushing. Quand les stocks étaient trop élevés cela entravait les cotations du WTI qui se retrouvait alors derrière le Brent. C’est une des raisons qui ont poussé l’Aramco à abandonner le WTI comme pétrole de référence et à choisir l’ASCI panier de pétroles du Golfe du Mexique. Les stocks de Cushing le Vendredi 13 Novembre étaient à 28,2 millions de barils, loin des 35 millions de la saturation. Ce ne sont pas eux qui justifient ce retour du Brent au devant de la scène. Je pense donc que c’est le camouflet de l’Arabie Saoudite qui a dû inciter certains à séloigner du WTI pour se reporter sur le Brent. De plus la faiblesse du raffinage américain et la fermeture définitive de la raffinerie de Valero (210 mille barils/jour) ne sont pas de nature à soutenir le brut américain.
    Trop de spéculation effraie sûrement certains intervenants.
    Les stocks flottants sont connus des professionnels pétroliers qui pratiquent ce sport et des organismes qui « trackent » les chargements de pétroliers, mais la connaissance précise de leur niveau n’est pas régulièrement diffusée. L’OPEC cependant fait un point régulier sur le sujet dans le cadre du transport maritime.
    « The number of VLCCs engaged in crude oil storage operations was almost unchanged in October, in line with the almost unchanged contango structure in crude oil futures in that month. Estimates put the volume of crude oil stored on VLCCs by the end of the month at about 40 mb. This volume takes about 20 VLCCs out of the market, but reports also indicated that there were another 10 VLCCs tied up in petroleum product storage operations, which implies that by the end of October about 6% of the global VLCC fleet was out of the market, lending some support to freight rates for this segment of tankers. About 50% of the stored crudes afloat were on the US Gulf Coast and most of the remainder was located in Europe. On the other hand, middle distillates stored on tankers continued to increase in October reaching about 90 mb compared to some 65 mb at the end of the previous month, reflecting higher incentives to stock up ahead of seasonally strong demand for distillates during winter. The bulk of the increase in products afloat in October was recorded in the Asia-Pacific market. By the end of October, about 60% of middle distillates were stored on tankers in Northwest Europe (NWE) and the Mediterranean regions and about 30% were stored in Asia-Pacific.Voir page 43 http://www.opec.org/home/Monthly%20Oil%20Market%20Reports/2009/pdf/MR112009.pdf
    Donc si l’on en croit l’OPEC les stocks flottants gonflent toujours ce qui est en accord avec une surproduction de pétrole qui date de la fin de 2008 et une spéculation sur les produits raffinés.
    Quand à la demande de la Chine une croissance annuelle au dessus de 400 mille barils/jour me semble bien improbable. Il ne faut pas oublier que ce pays est en train de constituer des réserves stratégiques ce qui, vu de l’extérieur, ressemble à s’y méprendre à une consommation.

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