Les Etats-Unis ont gaillardement entamé leur première transition énergétique

Au gré des pressions sur les prix de l’énergie, des crises économiques et de l’arrivée de nouvelles technologies qui feront progresser l’efficacité énergétique des processus, les consommations d’énergies fossiles dans les pays développés connaîtront de nombreuses phases de décroissance au cours du XXIème siècle. Certaines se feront par paliers lors de crises aigues, d’autres se feront de façon continue au fur et à mesure de l’introduction des technologies innovantes dans les applications industrielles (ex.: centrales électriques à cycle combiné) ou dans les applications grand-public (ex. électrification du parc automobile). L’étude des consommations d’énergie aux Etats-Unis depuis 2006 constitue la première illustration en vraie grandeur de ces phénomènes hautement prévisibles. Techniquement, pour bien mettre en évidence les tendances à moyen terme des consommations, il est utile de les examiner en cumulé sur 12 mois mobiles. La consommation américaine globale d’énergie est passée par un maximum en Janvier 2008 où elle avait atteint sur douze mois 101,7 quadrillons de BTU (le QBTU est égal à 293 TWh thermiques). En Septembre 2009 cette consommation était revenue à 95,6 QBTU ce qui représente une chute de consommation de 6% en 20 mois. Compte tenu de la croissance des énergies renouvelables et de la stabilité des productions nucléaires durant la période considérée, les consommations d’énergies fossiles aux Etats-Unis ont décru de 7 QBTU soit de 8% (FIG.).

Energies-fossiles-US-2007-2009-09

Cette baisse des consommations provient des baisses de 11% pour les consommations de charbon (2,4 QBTU), de 10% pour celles de pétrole (4 QBTU) et de 2% seulement pour celles de gaz naturel (0,5 QBTU). Elle est bien sûr accompagnée d’une baisse des émissions de CO2 par les utilisateurs.

Ce résultat important enregistré durant une période très brève de moins de deux ans provient à la fois de la pression sur les prix en début de période, de la croissance des énergies renouvelables (+0,8 QBTU) mais surtout de la crise économique qui a poussé les utilisateurs à mesurer et à restreindre leurs consommations d’énergie. Pour illustrer cet effort citons par exemple le transport aérien américain dont les consommations de kérosène ont baissé de 15% durant la période. Citons également les baisses de consommations de gasoil chez les particuliers et dans les centres commerciaux qui conduisent à une baisse de 15% des consommations.

Le processus global comporte un caractère largement irréversible parce que certaines productions arrêtées durant la crise ne reprendront pas; parce que les investissements réalisés pendant la crise pour atteindre une meilleure efficacité énergétique des processus sont soit définitivement en place soit en cours de montée en puissance; parce que les prix du pétrole sont déjà largement remontés depuis les plus bas du premier trimestre 2009 et vont exercer, à nouveau, leur pression sur la maîtrise des consommations; parce que la montée en puissance des énergies renouvelables va se poursuivre et l’utilisation des biocarburants va s’amplifier avec l’autorisation attendue du mélange E15 à 15% d’éthanol dans l’essence. Le record de fuel éthanol utilisé dans les raffineries américaines (703 mille barils/jour) atteint au mois de Septembre de cette année a représenté 8% des livraisons d’essence. Il devrait atteindre dans les 12% dans les deux à trois ans à venir.

Cette décroissance des consommations d’énergies fossiles devrait se concrétiser par la poursuite des baisses de consommation de pétrole et de charbon et par une montée relative des consommations de gaz naturel peu onéreux et largement disponible sur le territoire des Etats-Unis.

CONSULTER les données de l’EIA sur les consommations d’énergies aux U.S.A.

Le 31 Décembre 2009, revu le 2 Janvier 2010

Remarque: pour les amateurs de ratios, comme Pascal, l’EIA devrait publier pour 2009 des ratios de consommation d’énergie en baisse de 4 à 5% environ par personne, soit aux environs de 310 MMBTU/personne. Quand à la consommation par dollar de GDP produit, si l’on estime la croissance du GDP chaîné américain en 2009  aux environs d’un pourcent, le ratio energie par $ de GDP devrait descendre de 4 à 5% pour aller vers les  8,1 kBTU par dollar (FIG.II, situation à fin 2008). La pente moyenne estimée graphiquement de ce ratio sur les 58 dernières années est de -1,4%. Le point 2009 de la courbe va donc afficher une rupture de pente notable. La pente des consommations relatives d’énergie fossile sera encore plus marquée, entre 5 et 6%.

Energie-USA-1950-2008

Cette décroissance accélérée des consommations d’énergie aux Etats-Unis, encore largement sous-estimée, traduit les modifications profondes des mentalités dans ce pays, de ses modes de vie et du comportement des jeunes générations urbaines qui, ne l’oublions pas, ont élu le Président Obama. Les vendeurs de voitures locaux pourraient expliquer cela mieux encore que je ne le fais. Ce mouvement s’inscrit dans la Deuxième Transition Démographique en marche. A suivre.

Commentaires

8 réponses à “Les Etats-Unis ont gaillardement entamé leur première transition énergétique”

  1. Avatar de Pascal
    Pascal

    Vous ne me convaincrez pas totalement que la révolution énergétique est en route aux Etats-Unis tant que vous ne m’aurez pas fourni une donnée capitale à mes yeux:
    l’évolution du ratio QBTU/$ de PIB depuis les années 1990.
    Il n’y aura transition que lorsque celui-ci non seulement diminuera (ce qui est le cas depuis plusieurs années il me semble) mais surtout accélérera sa baisse.
    Avec une croissance du PIB de seulement 1,1 % en 2008 et une baisse d’environ -2,4 % en 2009 la baisse de consommation dont vous parlez est normale.
    Lors de la crise de 1990-1991, la consommation des Etats-Unis en pétrole avait baissé de 3,6 % (source:statistical_review_of_world_energy_full_report_2009.xls).
    Ceci ne l’a pas empêché de repartir en avant. Certes aujourd’hui il y a une prise de conscience des limites des énergies fossiles et des progrès sont réalisés. Mais suffiront-ils face à la machine économique…

  2. Avatar de ray
    ray

    Bonjour Pascal et Bonne Année 2010 pour vous et votre famille.
    Je n’aime pas trop ces ratios un peu abscons qui comportent un dénominateur en on ne sait quelle unité et qui a pu être moultes fois corrigé ou transformé pour tenir compte de je ne sais quel pouvoir d’achat ou de quel taux de change. je lui préfère de beaucoup la consommation d’énergie par personne ou mieux par personne active. La population est en croissance aux Etats-Unis d’un pourcent par an en raison d’une saine natalité et d’une immigration régulière. La population active suit le même rythme. La baisse des consommations d’énergie n’en est donc que plus remarquable.
    United States of America
    Population aged 15-64 Medium variant
    2000-2050
    Year (thousands) (%)
    2000 -190190 –66.1
    2005 -202189 –66.8
    2010- 212260 –66.8
    2015 -218957 –65.9
    2020 -223678 –64.6
    2025 -227147 –63.3
    2030- 230392 –62.3
    2035- 235152 –61.9
    2040 -240152– 61.8
    2045 244607– 61.7
    2050 247925– 61.4

  3. Avatar de René Grau

    Bonne année à Raymond et à tous les lecteurs de son Blog.
    Qu’en 2010 votre Blog soit aussi riche qu’en 2009!
    Amicalement,
    RG.

  4. Avatar de ray
    ray

    Merci René, se creuser un peu le ciboulot est une saine activité, même si parfois le train déraille.

  5. Avatar de Pascal
    Pascal

    Meilleurs voeux également.
    Je conteste l’utilisation de la seule variable démographique. Ne pas utiliser de variable économique est complètement absurde. Avec un tel raisonnement on pourrait dire qu’un chinois est 6 fois plus efficace qu’un américain !
    La consommation énergétique d’un individu dépend des produits qu’on lui propose mais aussi de ses moyens financiers.
    Je suis d’accord avec vous sur le fait que des progrès vont être réalisés dans le domaine énergétique (par exemple pour les transports avec des voitures moins gourmandes). Mais vous ne pouvez pas vous appuyer sur votre graphique pour dire que la transition énergétique a commencé aux Etats-Unis à moins de pouvoir en retirer le facteur « croissance/récession du PIB ».
    Que vous le vouliez ou non, c’est la croissance économique qui a l’effet le plus fort sur la consommation énergétique. Quand un pays a moins d’argent, il doit tout de suite réduire sa consommation énergétique. Alors que le renouvellement du parc automobile va prendre des années…
    Je ne suis toujours pas persuadé que les améliorations énergétiques en cours aux Etats-Unis suffiront à compenser les augmentations de consommation permises par une croissance économique. Les compagnies aériennes ont coupé certaines lignes, réduit leurs capacités de vol… qu’elles réaugmenteront au delà de leur sommet si la croissance reprend, pour ne prendre que cet exemple.

  6. Avatar de JP
    JP

    baisse de 2.4% du PIB en 2009
    ca a forcément un impact sur la consommation énergétique
    mais est-ce que cela peut suffire à expliquer que cette dernière baisse de 8%? Oui, si l’on admet l’hypothèse selon laquelle la consommation énergétique est la première atteinte lors d’une récession. Mais, il faut bien se chauffer, s’éclairer, se déplacer pour ses obligations quotidiennes, etc….Il y a donc bien d’autres postes de dépense qui seront sacrifiés avant l’énergie. Il me parait donc difficile d’être catégorique (dans un sens comme dans l’autre) quant à l’importance du lien entre variation du PIB par tête et dépense énergétique.
    Un chiffre utile serait celui de cette récession du PIB en 90-91, à mettre en rapport avec la baisse de consommation citée. On pourrait ainsi constater plus concrètement ce qu’il en est.

  7. Avatar de ray
    ray

    Pascal, je n’ai jamais nié qu’il y ait un lien entre santé de l’économie et consommation d’énergie, mais cette relation est complexe, surtout si l’on ne dispose pour mesurer l’état de l’économie que ce fourre-tout plus ou moins trafiqué qu’est le PIB.
    L’exemple de l’aviation civile américaine est intéressant, parce que l’on a assisté tout simplement à un écrémage du marché déterminé par les coûts. Bien sûr dans ces coûts, le prix du gallon de kérosène est un poste important. Il est peu probable qu’avec l’embellie attendue les opérateurs reprennent leurs liaisons abandonnées, peu ou non rentables, à moins de disposer un jour de commuters beaucoup plus économiques en carburants et en entretien, mais aussi à condition que les compagnies disposent des capitaux et décident d’investir dans cette reprise d’un trafic marginal. Tout cela fait beaucoup de « si ».
    Donc je persiste à croire que ce ratio conso d’énergie/PIB peut conduire à des conclusions stupides. C’est lui par exemple qui explique les débiles prévisions croissantes de consommations d’énergies réalisées par l’IEA et autres EIA à partir de visions de croissance continue du PIB mondial.
    Vous avez autour de vous des milliers d’exemples qui vous montrent qu’on peut faire des économies d’énergie sans altérer le PIB de la nation et réciproquement, que l’on peut démarrer une activité économique prospère en ne consommant que très peu d’énergie.

  8. Avatar de ray
    ray

    Pascal, j’ai ajouté dans le texte la page qui fait le point sur ces questions à fin 2008, publiée dans l’Annual Energy Review 2009 de l’EIA.

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