Il reste un long et passionnant chemin vers une énergie photovoltaïque rentable

L’énergie photovoltaïque présente de formidables atouts qui font à coup sûr de cette technologie une des grandes ressources d’énergie du futur. Pour convaincre le lecteur encore sceptique il suffit de rappeler:

– qu’elle conduit directement à la forme d’énergie qui aura un quasi monopole dans le monde urbanisé: l’électricité,

– que cette conversion du rayonnement solaire peut se produire avec de formidables rendements dépassant les 20% sur le silicium monocristallin et les 40% en laboratoire sur des capteurs multicouches sophistiqués de faibles surfaces utilisant des rayons solaires focalisés,

– que cette conversion ne s’accompagne d’aucune nuisance (bruit, émission, déchet, source de refroidissement) et ne demande aucune maintenance sophistiquée ce qui en fait une technologie idéale aussi bien en ville qu’en pleine zone désertique.

Elle est cependant handicapée par sa périodicité journalière, par son caractère aléatoire surtout dans les zones tempérées, et par la non rentabilité des technologies mises en œuvre aujourd’hui.

L’atteinte d’une production photovoltaïque rentable non subventionnée repose sur plusieurs facteurs qu’il est intéressant d’analyser.

Tout d’abord cette rentabilité est relative. Elle doit se mesurer par rapport aux prix du marché de l’électricité établis par les modes traditionnels de production de cette énergie. Aujourd’hui le mode le plus économique, largement répandu dans le monde, provient de la combustion du charbon, demain il sera relayé par la combustion du gaz naturel moins polluant et largement réparti sur Terre. On peut estimer à ce jour que ces procédés fixent un seuil de rentabilité du courant électrique autour des 65$ ou 50 euros par MWh. Dans les décennies à venir il va dépendre des cours du charbon et du gaz naturel, mais compte tenu de l’abondance des ressources de ces produits, il est possible de pronostiquer que les prix de revient de l’électricité demeureront durablement inférieurs aux 100$ ou 75 euros par MWh.(LIRE)

La question de la rentabilité de la génération photovoltaïque d’électricité repose donc sur la possibilité d’atteindre cet objectif de coût.

Remarque: on fera très attention au concept « abscon » de « grid parity » (ou parité de réseau) inventé par les professionnels du secteur qui se fixent comme objectif de produire de l’électricité photovoltaïque au prix du MWh vendu au client final. Ils supposent donc que leur courant particulièrement pur va être acheminé des déserts ensoleillés lointains vers les métropoles et distribué gratuitement. Drôle de façon de concevoir l’économie. Suntech par exemple, voit cette « grid parity » à un prix des modules installés et connectés au réseau à 2,5$/Watt. Pour 1600 heures d’ensoleillement et un amortissement raisonnable sur 8 ans un tel prix des équipements conduit à un courant à 200$/MWh…il est encore deux fois trop cher.

Il est donc possible d’imaginer un seuil d’acceptabilité économique de l’énergie photovoltaïque non subventionnée générée, acheminée et distribuée pour un montant des équipements autour d’un euro ou 1,3 dollar par Watt. Sur une période de 8 à 9 ans et un ensoleillement nominal de 1600 heures par an (irradiance) un Watt de module solaire produit dans les 13 kWh d’énergie électrique. Le prix de revient de l’électricité est alors de l’ordre de 100 $/MWh.

Pour analyser le prix de revient d’un Watt de modules solaires installés et branchés au secteur pour un opérateur il faut prendre en compte plusieurs paramètres que sont:

– le prix d’achat au Watt du module solaire,

– les coûts d’installation sur site (main d’œuvre, support et orientation des modules, connectage)

– les coûts des onduleurs et autres compteurs de raccordement au réseau,

– les coûts des lignes de raccordement au réseau qui peuvent constituer un poste majeur dans le cas d’une ferme solaire en plein désert éloignée des centres urbains,

-les coûts du foncier (achat ou location),

-les taxes et impôts locaux divers assis sur les investissements ou sur le CA,

-les avantages fiscaux et autres incitations financières.

Le premier poste qui est celui du prix d’achat des modules est pour l’instant déterminant. La technologie la plus compétitive du moment qui est celle de l’américain First Solar avec ses modules au CdTe en couches minces. Il annonce des prix de revient des modules de 0,77$/Watt pour un rendement de conversion de l’énergie lumineuse de 11,3%. Compte tenu de la puissance réduite (80 Watts) et du faible rendement des modules, leur pose et leur raccordement multiplie le prix pratiquement par trois pour atteindre tout compris 1,6 euro/Watt en Europe et donc autour des 2.2$/Watt aux Etats-Unis. Il prévoit pour 2014 un prix de revient des modules au tour des 0,52 à 0,63 dollars par Watt. Mais il est clair que si les coûts annexes ramenés au Watt ne sont pas réduits, l’objectif de 1 euro ou 1,3 dollar par Watt ne sera jamais atteint.

Suntech-2010-2013-prix

D’autres fabricants de modules solaires jouent une approche haut de gamme, a l’aide de cellules à base de silicium monocristallin. C’est le cas de l’américain SunPower par exemple qui présente un module de 318 Watts avec un rendement de conversion de 19,5% stabilisé en module (LIRE), réalisé par assemblage de 96 cellules présentant des rendements de conversion supérieurs à 23%. C’est également l’approche des grands constructeurs asiatiques qui ont bien compris que la taille et la puissance d’un module était un paramètre important de compétitivité. Mais compte tenu de la complexité d’un module assemblé à partir de nombreuses cellules de silicium (typiquement entre 60 et 96), le prix de revient au watt est supérieur à celui des modules en couches minces. Suntech annonce un prix de module de 1,4 $/watt qu’il voit descendre vers les 1,1 dollar grâce à l’intégration de la production de wafers et vers 0,85 $/watt à l’horizon fin 2013 en ajoutant toutes les actions de réduction de coûts (FIG.).

A partir de ces observations qui montrent qu’il faut à la fois agir sur le coût au Watt du module et sur le coût au watt de l’installation en réduisant le nombre de modules de plus en plus puissants, il est possible d’établir une spécification de ce à quoi ressemblera le module photovoltaïque du futur, de forte puissance et de faible coût par Watt, ne nécessitant aucune subvention pour réaliser une ferme solaire raisonnablement rentable dans un contexte de 1600 heures par an d’irradiance.

– le procédé d’élaboration devra être en technologie couche mince pour pouvoir être entièrement automatisé sur des modules de grandes surfaces (>16 pieds carrés ~ 1,4 m2),

– le rendement de conversion devra être supérieur ou égal à 17%, (1,5 fois celui du Cd-Te)

– la puissance du module unitaire devra être supérieure à 240 Watts, (3 fois celle du module First Solar)

Le premier constructeur qui atteindra cet objectif en commercialisant ses modules à moins de 0,5 dollar par Watt devra atteindre une capacité annuelle de production d’au moins 10 à 20 GW pour pouvoir réunir suffisamment de ressources et investir massivement en R&D pour les générations futures de modules encore plus performants.

A ce jour, la technologie qui semble devoir conduire un jour à un produit satisfaisant à la spécification semble être la technologie CIGS dont les potentialités techniques sont importantes. Showa Shell (Solar Frontier) (LIRE) annonce pour 2014 un module de 170 Watts, de 3×4=12 pieds carrés, présentant un rendement de conversion de 14 à 15%, c’est un produit qui va tout à fait dans la direction de l’objectif.

Le 15 Décembre 2010

 

 

Commentaires

8 réponses à “Il reste un long et passionnant chemin vers une énergie photovoltaïque rentable”

  1. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    L’étude est très intéressante.
    Un paramètre joue un rôle clé : le coût de la pose
    Dans votre analyse, c’est ce coût d’installation qui oblige les constructeurs à produire des modules ayant un rendement élevé ce qui vous conduit à ne pas retenir la technologie CdTe de First Solar.
    Or on est encore dans un processus d’installation artisanal.
    Il ne faut pas exclure une baisse des coûts d’installation, ce qui, il me semble, changerait l’ordre de mérite.
    L’avenir est plus ouvert.

  2. Avatar de Ray
    Ray

    Lucas, en fait il faut les deux, un faible coût au watt et des modules de fortes puissances qui permettent, artisanale ou pas, de faire baisser au Watt les coûts de la pose des modules.
    Bien sûr si vous êtes dans un pays à faible coût de main d’œuvre, le coût de la pose est minoré.
    Mais pour l’instant First Solar est tout compris, le plus performant en Europe et aux USA. Il devrait se faire challenger d’ici à deux ans par Showa Shell si ce dernier tient ses promesses.
    Les grands du photovoltaïque connaissent bien entendu ces évidences et leur objectif doit-être d’atteindre cette spec. et de livrer annuellement des dizaines de GW de modules dont l’électricité sera vendue aux prix du marché local.
    Restera à résoudre le problème de la régulation de la puissance fournie.
    La technologie CIGS est maîtrisée en Europe par Avancis (Saint Gobain) ancien partenaire de Showa Shell et maintenant associé aux Coréens. Elle l’est aussi par l’allemand Q-Cells qui a fait le ménage dans toutes ses diversifications mais a conservé la techno CIGS. C’est à ce jour la seule technologie en couche mince qui sur le papier permet d’espérer obtenir un jour les 17 ou 18% de rendement de conversion indispensables.

  3. Avatar de Michel
    Michel

    1600 h de solei « nominal » par an, c’est beaucoup. En France, c’est autour de 1000 h.
    Dans le coût des énergies intermittentes (dont le solaire), il faut aussi prendre en compte le coût du stockage ou bien les moyens de soutien (« back up ») dont le fonctionnement ne peut plus être optimisé puisqu’ils sont là uniquement pour combler les « absences » de production des sources d’énergies intermittentes.

  4. Avatar de Ray
    Ray

    Michel, l’irradiance en France varie entre 1100 et 1800 heures pour un module incliné de façon optimale entre le Nord et le Sud-Est. La moyenne ne veut pas dire grand-chose. Mais il n’y a pas que la France dans le monde. Il existe donc des régions où des modules peuvent cracher leur pleine puissance pendant plus de 1600 heures.
    Cette valeur de 1600 heures correspond donc à une irradiance d’un pays correctement ensoleillé…là ou un investisseur pas trop masochiste va vouloir implanter sa ferme solaire.
    Par contre si l’on fait intervenir un rapport de performance du module de 0,75 on retrouve bien vos 1000 heures en moyenne pour notre pays. Mais ce coefficient dépend étroitement du type de module et de sa sensibilité en éclairage rasant par exemple. On sait que les modules de types Cd-Te ou CIGS sont beaucoup plus performants dans la lumière déclinante que les modules au Silicium classiques.
    Pour ce qui est du back-up qui est fondamental dans l’équilibrage d’un réseau, il n’est pas à prendre en compte ici où je ne parle que du prix de vente de l’électricité photovoltaïque quand elle est produite…le soleil couché, il n’y a plus rien à vendre. Il faudrait aborder de la rentabilité économique de batteries en tampon de types Sodium-Soufre par exemple qui permettraient de délivrer de la puissance en heure de pointe, le soir ou le matin ou de réguler un réseau défaillant…mais c’est un autre problème.
    VOIR la carte de l’Europe
    http://re.jrc.ec.europa.eu/pvgis/cmaps/eu_opt/PVGIS-EuropeSolarPotential.pdf

  5. Avatar de Berthier
    Berthier

    Ne pensez-vous pas qu’heliotrop (CPV triple jonction) est proche de la compétitivité : 150 €/MWh dans les pays ensoleillés 220 €/MWh dans le sud de la France.
    L’autre approche est de favoriser l’aval par l’utilisation direct du courant continu.

  6. Avatar de Ray
    Ray

    Berthier, je ne connais pas le projet dont vous parlez. Ce que je sais c’est que pour l’instant les entreprises de CPV n’ont pas encore réellement démontré le bien fondé de leurs choix technologiques. Je pense que le juge de paix reposera sur les Watts générés par m2 de module qui doivent être largement supérieurs à 200 W/m2 pour se démarquer du PV classique qui progresse et payer le tracking à deux dimensions complexe et coûteux de chacune de ces installations.
    Quand à l’utilisation du courant continu il faut que l’application soit assez proche de la génération ce qui en limite le champ. Voir les projets japonais.
    http://www.leblogenergie.com/2009/10/l%C3%A9nergie-%C3%A9lectrique-domestique-sera-distribu%C3%A9e-en-mode-mixte-continu-et-alternatif.html

  7. Avatar de Ray
    Ray

    The Department of Energy earlier this year unveiled a program, called SunShot, geared to bring the price of solar down to $1 a watt by 2017 and to 73 cents by 2030.
    Voila le problème bien posé par le DOE au travers du programme SunShot.
    La solution viendra d’une analyse méthode proposant des modules à bas coûts mais aussi de FORTES PUISSANCES, seule voie pour réduire par 3 ou 4 les coûts de pose.
    Can Solar Get to $1 a Watt?
    The elusive goal may be here soon—or maybe not.
    The Department of Energy earlier this year unveiled a program, called SunShot, geared to bring the price of solar down to $1 a watt by 2017 and to 73 cents by 2030.
    But is it possible? Crystalline silicon modules now sell for $1.48 per watt, with the cost of fully installed solar systems topping $3 to $4. per watt.
    Modules will have to drop to 50 cents to hit the $1-per-watt goal. The installation and balance-of-system costs will have to plunge from around $1.70 to 40 cents. Inverter costs will need to drop to ten cents per watt.
    http://www.greentechmedia.com/articles/read/can-solar-get-to-1-a-watt/

  8. Avatar de Ray
    Ray

    LIRE une description de la nouvelle usine 1GW japonaise de Showa Shell en technologie CIGS, avec une capacité de production de 16 000 modules de 3×4 pieds carrés par jour.
    http://www.electroiq.com/index/display/photovoltaics-article-display/3922832902/articles/Photovoltaics-World/thin-film_solar_cells/cis_-cigs/2011/4/tour-solar_frontier.html

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