La progression des rendements agricoles et l’extension des surfaces cultivées dans le monde doit à la fois permettre de nourrir l’humanité, de lui apporter des boissons gouleyantes plus ou moins alcoolisées, d’élever les animaux (d’élevage ou de compagnie) et de fournir les matières de base à la production de biocarburants. Les progressions observées jusque là dans l’accroissement des rendements agricoles et la disponibilité de larges surfaces de terres cultivables indiquent que ces objectifs peuvent être atteints dans les décennies à venir (LIRE le papier précédent sur ce sujet). Les investissements financiers et humains nécessaires à leur réalisation, s’accompagnent d’un accroissement du niveau de vie des populations paysannes concernées, ce qui généralement les motive.
La production de biocarburants est presque toujours présentée comme une activité incompatible avec les impératifs alimentaires. Bien sûr tout cela est fait à la serpe et le plus souvent dans les moments de montée des cours totalement manipulés des produits agricoles de base (sucre, oléagineux et autres céréales). L’extension des cultures dans les zones sous-développées est présenté comme une menace émanant du CO2, les sous-produits protéinés de l’industrie des biocarburants destinés à l’alimentation animale ne sont que rarement pris en compte dans les bilans. Ils représentent cependant plus d’un quart du maïs entrant dans les raffineries dont seul l’amidon de la graine est utilisé pour produire l’éthanol.
Pour essayer de comparer les rendements et les contraintes des diverses cultures utilisées dans la production de biocarburants il est important de bien préciser la filière utilisée et la localisation de ces cultures. En effet de larges progrès restent à accomplir selon les latitudes plus ou moins favorables à un type de culture et défavorable à l’autre. La cane à sucre, le palmier sont leaders dans la zone intertropicale. Inversement le maïs sera plus à l’aise dans des zones tempérées humides comme la Corn Belt américaine. Opposer les uns aux autres pour des raisons de rendements comparés n’a parfois que bien peu de signification pour un paysan.
En termes de rendement énergétique (TAB.I) c’est la culture du palmier à huile en Indonésie ou en Malaisie qui détient le record avec des rendements pour les nouveaux hybrides pouvant atteindre 9800 litres d’huile à l’hectare (Sime Darby). Pour une irradiance au sol estimée autour des 6000 MJ/ha/an dans ces pays (par comparaison aux 7460 MJ/ha/an à El Paso ou aux 7242 MJ/ha/an dans le sud de l’Espagne) l’énergie contenue dans la seule huile correspond à 0,6% de l’énergie annuelle du rayonnement au sol. Ce faible rendement provient tout d’abord du fait que 50% du rayonnement n’est pas actif pour la photosynthèse et qu’une large partie est utilisée en évaporation d’eau et en chauffage du sol et de l’environnement. Enfin une part est destinée à la croissance de la plante. Pour comprendre le succès des plantations de palmier durant les trente dernières années (TAB.II) qui a suivi la progression de consommation de corps gras par individu (elle a plus que doublé entre 1975 et 2009) on se reportera à l’excellent papier de Hubert Omont paru récemment. On y apprendra que les industries des biocarburants consomment 1% des productions d’huile de palme dans le monde. Un procédé comme celui de Neste Oil, Groupe très innovant et injustement décrié, n’utilise pour charger ses réacteurs conduisant au biodiesel ou au biokérosène, que 50% d’huile de palme, l’autre part de la charge est constituée de graisses animales, de stéarine et de divers acides gras sous-produits de la production d’huile de palme (voir le communiqué de Neste Oil).
La culture intensive qui suit l’ordre des rendements est celle de la cane à sucre avec des rendements qui atteignent 8000 litres d’éthanol par hectare et par an en utilisant uniquement le sucre de cane. Cette industrie va devoir évoluer, comme le fait l’industrie d’alcool de maïs américaine, vers un procédé mixte de première et de deuxième génération utilisant à la fois le sucre mais aussi la bagasse et les feuilles comme matières premières. D’après les spécialistes de la CNAA brésilienne les volumes annuels d’éthanol atteindraient alors 14000 litres à l’hectare. C’est une voie intéressante pour désensibiliser les prix de revient de l’éthanol à celui des cours du sucre.
Enfin vient le maïs dans le trio de tête qui avec 4200 litres d’éthanol à l’hectare sous des climats plus froids comme celui de l’Iowa ne s’en tire pas si mal. L’introduction par Poet d’une boucle cellulosique utilisant les feuilles et les tiges va permettre d’accroître le rendement d’alcool à l’hectare d’au moins 30%.
Ces quelques chiffres montrent que l’industrie agricole des biocarburants n’en est qu’à ses débuts. Elle va devoir croître en rendements produits à l’hectare et en surfaces de cultures tout en restant compatible avec l’accroissement des besoins alimentaires mondiaux. Une voie pour la rendre plus aisément compatible avec cet objectif fondamental est de supprimer les subventions accordées aux raffineries qui mélangent les biocarburants aux dérivés du pétrole de plus en plus onéreux. Les volumes de biomasse introduits dans les raffineries de pétrole deviendraient subitement plus sensibles aux coûts des matières premières agricoles et seules les unités de production de biocarburants les plus performantes pourraient poursuivre leur chemin.
Les biocarburants représentent en volume aujourd’hui dans le monde autour des deux millions de barils/jour, demain avec des volumes de l’ordre de huit à dix millions de barils/jour ils deviendront indispensables à l’approvisionnement énergétique de la planète. Leur potentiel de croissance est sous-estimé par les Agences et les Groupes pétroliers. Ils mésestiment l’impact des prix du pétrole sur l’attractivité des ersatz moins onéreux. S’il y a une demande rentable le monde agricole produira plus. L’exemple des huiles de palme dont les volumes mondiaux produits ont été multipliés par neuf en trente ans illustre cette conviction.
Le 16 Mars 2011


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