En raison des progrès réalisés dans l’efficacité énergétique des processus et de l’arrêt de nombreuses activités manufacturières, la consommation globale d’énergie en France est en décroissance depuis 2004. De 263 MTEP à cette date elle est passée à 242 MTEP en 2009 (BP statistical review) pour remonter en 2010 vers les 255 MTEP. Cette lente décroissance globale s’accompagne d’une redistribution du mix énergétique avec l’arrivée des énergies renouvelables et la baisse des consommations de produits pétroliers qui ont chuté de 10% entre 2004 et 2010, passant de 2 millions de barils/jour à 1,8 million.
Remarque: il faut toujours prendre ces statistiques énergétiques avec beaucoup de recul. En effet elles proviennent d’une addition de choux et de navets avec d’une part les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) et les énergies électriques renouvelables ou nucléaires. Les productions électronucléaires sont transformées en équivalent énergie primaire avec un rendement fixé à 33% (1MWh = 0,2606 TEP) alors que les productions hydrauliques, éoliennes et photovoltaïques sont comptabilisées avec un rendement de 100% (1MWh = 0,086 TEP). La part du nucléaire dans le bilan énergétique de la France est donc une donnée à considérer avec prudence.
Au sein de ce mix, les consommations d’électricité sont depuis dix ans en croissance régulière (FIG.I) avec une progression moyenne annuelle de 1,4% soit de 5,5 TWh (courbe rouge).
Ce résultat provient d’une forte croissance de la consommation (2,2% par an ou 7 TWh) au travers des distributeurs vers les clients petits ou moyens (FIG., courbe verte) alors qu’inversement la consommation des gros industriels servis directement par RTE a affiché durant cette période une baisse de -1,8% par an en passant, entre 2001 et 2010, de 94 TWh à 80 TWh.
En face de cette croissance des consommations, les productions d’électricité en France n’ont pas suivi. Entre 2000 et 2010 les productions nettes sont passées de 517 à 550 TWh soit une croissance annuelle de 0,6%. Ce phénomène de piétinement, malgré la mise à disposition de 15 TWh d’électricité issue d’énergies renouvelables autres qu’hydraulique durant la période, provient des mauvaises performances du nucléaire français des cinq dernières années (FIG.II, courbe verte, échelle de gauche).
La production ne suivant pas la croissance de la demande c’est le solde des échanges d’électricité avec nos voisins (courbe rouge, échelle de droite) qui en a pâti. Les importations d’électricité en provenance d’Allemagne ont ainsi atteint des puissances moyennes annuelles très élevées ( 2,2 GW en 2009 et 1,8 GW en 2010).
En résumé, en raison d’une croissance soutenue de la demande intérieure et d’une faible progression des productions, la France a perdu en cinq ans son statut de grand fournisseur d’électricité à ses voisins européens. Bien sûr cela se retrouve dans le bilan du commerce extérieur par un moindre solde positif et donc par une contribution à la baisse du PIB de notre pays.
Ce point étant réalisé, il est alors possible de se poser quelques questions sur le futur à moyen terme de l’activité électrique de notre pays en le reliant à la même problématique au niveau européen puis mondial.
1- tout d’abord il faut imaginer une consommation d’électricité française qui va poursuivre sa croissance et non pas l’inverse comme essaient de s’en persuader certains. Pourquoi? Parce que l’usage d’électricité est lié à la croissance du PIB et de la démographie. Les pompes à chaleur réversibles constituent de formidables outils de régulation thermique du foyer. Parce qu’il va falloir réduire les consommations de produits pétroliers hors de prix, abandonner le fuel domestique dans le chauffage et commencer pour certains à rouler en véhicules électriques. Parce que les progrès dans l’efficacité énergétique évalués à 10% de la consommation européenne d’électricité d’ici à 2020 par la Commission Européenne (341 TWh dont une large part de 140 TWh dans les moteurs industriels) ne seront pas suffisants pour stabiliser les consommations.
2- les prix du MWh électrique vont augmenter. EDF va mettre à profit l’émoi causé par l’accident japonais de Fukushima pour justifier des augmentations de tarifs que le Politique ne pourra plus lui refuser. La sécurité nucléaire aura bon dos pour cacher sous le tapis les résultats d’une gestion très approximative de l’entreprise EDF. Mais il faut replacer ce mouvement de hausse prévisible du MWh électrique dans l’évolution générale des prix de l’énergie. Ils apparaitront finalement comme très mesurés. Rappelons que les prix de l’énergie dans la Zone Euro au mois de Février dernier étaient en hausse de 13% par rapport à ceux du mois de Février 2010. Ce mouvement n’est pas fini.
3- il ne faut pas se faire d’illusions sur l’aptitude de nos voisins européens à subvenir à nos défaillances de génération électrique. L’Allemagne avec sa décision de quitter le nucléaire va se mettre en limite de puissance disponible. Un scénario d’un retour de la Gauche, alliée aux Verts, dans notre pays qui s’accompagnerait de la fermeture symbolique d’une ou deux centrales nucléaires plongerait l’Europe dans une quasi-pénurie de puissance électrique. Il faudrait alors gérer la pénurie de puissance en pointe par des effacements ou des délestages.
4- dans ce contexte l’arrivée de la nouvelle tranche N°3 EPR de Flamanville sera la bienvenue. Un plan d’accélération de la modernisation du parc élctronucléaire mondial existant doit tenir compte du projet franco-japonais Atmea qui est un produit de 1000 MW alliant les connaissances d’AREVA et de MHI. Ce pourrait-être le produit à promouvoir dans le monde en remplacement des solutions low-cost qui prévalaient jusque-là. Un exemple: se débarrasser de l’hydrogène provenant de la corrosion du cœur de la centrale en surchauffe en faisant exploser le toit de l’enveloppe externe comme à Fukushima, n’est pas digne d’une technologie soi-disant sous contrôle. Les centrales les plus évoluées savent résoudre ce problème par une recombinaison catalytique ménagée de l’hydrogène à l’oxygène de l’air.
5- l’introduction dans notre pays de 5 à 10 GW de centrales au gaz à cycle combiné par EDF et ses concurrents confèrerait au parc français une bien plus grande souplesse et se rentabiliserait par une reprise du solde des échanges avec ses voisins. Pour que ces investissements soient réalisés et participent à la croissance du PIB, il faut que le MWh se vende en France au juste prix par rapport au restant des pays européens. Pour l’instant EDF investit aux Pays-Bas dans ce domaine. Bien sûr, pour alimenter ces centrales il faudrait investir dans quelques terminaux portuaires gaziers qui permettraient d’acheter le GNL sur le marché spot abondant et non indexé sur les cours du pétrole.
En conclusion, la France avec un peu de sang-froid et de réalisme économique peut mettre à profit les questionnements actuels sur les problèmes de génération d’électricité locaux et dans le monde. Pour cela elle doit établir un juste prix du MWh, investir dans de nouvelles centrales au gaz et électronucléaires d’avenir. Elle peut disposer avec l’EPR et la centrale franco-japonaise Atmea qui reste à valider industriellement, des solutions pour la future génération de centrales électronucléaires dans le monde et se démarquer ainsi des concurrents nippo-américains ou coréens qui jouaient jusque là les solutions low-cost. Dans ce contexte la nécessité de la reconduite d’Anne Lauvergeon dans ses fonctions à la tête d’AREVA apparaît comme une évidence.
LIRE le rapport de la Commission Européenne sur plan d’amélioration de l’efficacité énergétique
Le 23 Mars 2011



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