L’Energy Information Administration vient de publier les bonnes pages de son Energy Outlook 2011. Dans le scénario central de ce travail qui estime pour les 25 prochaines années les consommations énergétiques américaines, si importantes pour le devenir du monde, il apparaît qu’entre 2008 et 2035 la consommation globale d’énergie de ce grand pays devrait croître en moyenne de 0,5% par an. Il faut se reporter au scénario « Low economic growth » pour déceler une quasi-stagnation de ces consommations avec un rythme moyen de 0,2% par an. Ceci nous change des scénarios débridés d’il y a quelques années, mais l’Administration américaine n’a toujours pas intégré qu’un jour la consommation d’énergie de ce pays pourrait se stabiliser et même décroître.
Un tel exercice prévisionnel est toujours entaché de bien d’incertitudes. Dans ce travail c’est la part du charbon dans le bilan énergétique américain des décennies à venir qui pose le plus de questions. En effet son importance relative dépendra des règlements à venir susceptibles de limiter son utilisation en particulier dans la génération d’électricité. L’EIA manipule plusieurs hypothèses de fermetures de centrales au charbon qui pourraient aller de 8,8 GW dans le scénario de base à 73 GW dans le scénario le plus défavorable au charbon. Dans le scénario de base l’EIA fait croître sa consommation entre 2008 et 2035 de 0,3% par an (FIG.I).
La ressource la plus importante dans les consommations d’énergie, largement déterminée par les transports, restera les carburants liquides issus du pétrole et de la production de biocarburants. Ils occupaient 38% des sources d’énergies en 2008, ils devraient perdre deux points de pour-cent d’ici à 2035, avec une croissance annuelle moyenne de 0,3% dans le scénario de référence. Mais fait remarquable, cette croissance devrait être assurée par les biocarburants et marginalement par l’arrivée de carburants de type Fischer-Tropsch issus du gaz ou du charbon (FIG.II). Les biocarburants qui représentaient 3,4% des volumes en 2008 en représenteront plus de 11% en 2035. Dans un scénario plus probable appelé « High oil price » la part des biocarburants avec 2,9 millions de barils/jour, atteint même 13,6% en volumes en 2035. Il faut donc anticiper pour les années à venir une baisse des importations de pétrole américaines et une montée de l’utilisation des biocarburants qui sera d’autant plus accentuée que les prix du baril seront élevés. Le prix du baril de brut détermine pour une large part la rentabilité des opérations de synthèse des biocarburants et détient donc une des clés de la décision d’investir dans les unités industrielles de production.
La deuxième ressource par ordre d’importance est le gaz naturel (FIG.I). Son utilisation est en particulier tirée par la consommation d’électricité qui dans le scénario de base devrait croître d’un pour-cent par an et passer de 3745 TWh en 2009 à plus de 4900 TWh en 2035. Cette progression devrait entraîner une croissance des productions de toutes les formes de génération d’ici à 2035, à l’exception de l’utilisation du pétrole dans les chaudières (FIG.III). Dans le scénario de base c’est le gaz naturel qui avec une croissance prévue de 391 TWh entre 2007 et 2035 qui connait la plus forte progression en valeur absolue. Cependant dans un contexte de gaz abondant et peu cher on peut légitimement douter de la croissance prévue de l’utilisation du charbon.
Cette plus grande utilisation du gaz naturel se traduit par des modifications radicales dans l’origine du gaz brûlé dans les centrales (FIG. IV). L’EIA prévoit une forte croissance de la part des gaz non conventionnels (grisou, gaz de grès et gaz de schistes) qui représenterait 75% des ressources de gaz contre 50% aujourd’hui et de l’amoindrissement de la part du gaz conventionnel et une quasi disparition des importations nettes. Il est à souligner que cette croissance des gaz non conventionnels aux États-Unis est essentiellement due à celle des gaz de schistes qui représenteront en 2035 autour des 62% de la ressource non conventionnelle. (Rappelons que la représentation parlementaire française, dans sa grande clairvoyance proverbiale, s’apprête à bannir cette ressource diabolique de notre pays. Vade retro satanas! Le gaz de schiste ne passera pas!).
Il est intéressant pour comprendre ce succès du gaz naturel de se reporter à l’estimation que fait l’EIA des prix moyens du MWh d’électricité sur toute la durée de chacune des installations, c’est le « levelized power cost », calculé à partir du cumul des coûts divisé par le cumul des productions de la centrale pour la totalité de la vie estimée de l’installation. Il apparaît que ce coût moyenné (FIG.V) ressortirait en 2020 à 68 $/MWh pour une centrale au gaz à cycle combiné, à 99 $/MWh pour l’éolien, à 110 $/MWh pour le charbon et à 114 $/MWh pour une centrale nucléaire. Les faibles niveaux d’investissements et de coûts fixes par MWh rend très attractive la solution au gaz naturel.
Quand aux énergies renouvelables (hors biocarburants) l’EIA leur voit un sort brillant mais qui dépendra pour une large part des mesures règlementaires décidées par les Etats et des aides fédérales accordées. C’est la raison pour laquelle l’essentiel des progrès de l’éolien seront réalisés d’ici à 2012. La puissance des installations renouvelables, hors hydroélectricité, passerait de 47 GW en 2009 à 100 GW en 2035. La contribution de ces équipements au bilan énergétique global (FIG.I) resterait encore autour des 10%, venant des 7% aujourd’hui. La révolution verte n’est pas encore programmée par le DOE.
En conclusion il faut retirer de cet exercice traditionnel de projection à 25 ans du Department of Energy américain des indications fortement entachées d’incertitudes liées aux règlementations qui pourront entrer en vigueur d’ici là. Le sort du charbon par exemple est étroitement lié à ces décisions. Mais il existe dans cette projection des points forts portant sur la croissance des biocarburants tirés par un pétrole rare et cher, portant sur la montée en puissance des gaz non conventionnels et la poursuite probable des énergies renouvelables non hydrauliques quoique leur sort soit lié au bon vouloir des aides financières de la collectivité endettée.
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Le 1er Mai 2011





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