Et si les cours du Brent étaient une occasion pour se poser les bonnes questions sur le mix énergétique de notre pays

Il avait été mentionné ici lors du franchissement des 85$ par le baril de Brent dès le début du mois de Novembre 2010, le démarrage probable d’un rallye haussier sur les cours du pétrole (LIRE). Ce phénomène qui se démarquait nettement de la nonchalance des cours observée au préalable, était amplement confirmé par les cours du Brent au début du mois de Décembre (LIRE) et devenait une évidence lorsque le saoudien Al Naimi donna le feu vert pour un baril à 100 dollars (LIRE). Voila pour la chronologie passée.

Les données actuelles, sur fond d’agitation populaire inattendue en Afrique du Nord, confirment cette hausse annoncée (FIG.) avec une baisse de l’index dollar qui est repassé au-dessous des 80$.

Cours_Brent

Pour essayer d’imaginer le futur il faut, je crois, posséder quelques données simples comme en particulier les productions de pétrole des pays de l’Afrique du Nord. L’Egypte, outre l’importance du Canal de Suez pour les acheminements, produit dans les 0,8 million de barils/jour, l’Algérie 1,27 million (hors condensats du gaz naturel) et la Libye 1,56 million. Ces trois seuls pays dont deux sont membres de l’OPEP, situés au sein ou proches de l’agitation populaire représentent donc dans les 3,5 millions de barils/jour de production de pétrole. L’Algérie est également un producteur important de gaz naturel.

Il existe de ce fait une forte probabilité pour que l’agitation largement médiatisée de cette région se traduise par un sentiment de menace partagé sur l’approvisionnement d’une partie du pétrole dans le monde. La découverte subite de la faiblesse des régimes autoritaires dirigeant cette région est un facteur qui va pousser les cours vers le haut. Ce phénomène associé à la reprise des consommations américaines avec le printemps pourrait amener le Brent bien au-delà des 100 dollars…et pourquoi pas vers les 100 euros/baril.

En partant de telles hypothèses qui n’ont rien de farfelu, n’est-il pas venu le temps pour notre pays de se poser les bonnes questions sur sa politique énergétique et sur l’évolution de son mix énergétique. Celui-ci ne peut pas être un simple optimum écologique qui par des coûts débiles des ressources atteindrait notre économie. Ce ne peut pas être non-plus un simple optimum financier du moment qui ne prendrait pas en compte des hypothèses d’évolution des marchés et la raréfaction du pétrole pas cher. Mais il doit tenir compte des 35 milliards d’importations annuelles de produits pétroliers qui risquent de se diriger rapidement vers les 50 ou 60 milliards avec les cours galopants.

Alors un certain nombre d’actions urgentes devraient s’imposer et faire l’objet d’un Plan National Energétique (liste non exhaustive):

-mettre un terme progressif au chauffage au fuel des habitations et des locaux industriels ou commerciaux moyennant une dissuasion fiscale (TIC) sur le fuel domestique. Ce chauffage et autres applications industrielles représente dans les 15 à 17% de consommation de produits pétroliers (INSEE). Cette mesure permettrait de réduire fortement nos importations de gasoil en provenance de Russie ou d’ailleurs.

-élaborer avec les professionnels une vraie politique des biocarburants (type, mode de production, ressources utilisées localement ou importées, etc.). Ces ersatz vont être rapidement indispensables à l’équilibre offre-demande et devenir moins onéreux que les produits pétroliers. Ne pas fantasmer sur les procédés durablement non rentables et inadaptés à une production rurale locale.

-lancer efficacement l’exploration de nouvelles ressources énergétiques sur le territoire en garantissant au paysan, propriétaire du terrain sur lequel la production s’installerait en cas de découverte, une rémunération proportionnelle aux volumes extraits, sorte de droit de passage du flux dans sa propriété. L’opposition systématique et intransigeante « josébovéenne » s’en trouverait durablement affaiblie.

-interdire la circulation dans les villes les mastodontes obséquieux et autres 4X4 qui n’ont rien à faire dans ce cadre. Rétablir une lourde « vignette écolo » pour les plus énergivores.

-élaborer un plan de réduction des consommation des poids lourds et favoriser sa mise en œuvre la plus rapide avec les instances européennes et surtout les constructeurs; augmenter le poids total en charge des plus gros camions de transport, tout en conservant un poids à l’essieu acceptable.

-rendre à terme obligatoire le gaz naturel comme combustible des bus et autres véhicules de livraison en ville. Les options hybrides devraient être encouragées puis devenir exclusives.

-recenser les bouchons routiers et élaborer un plan pluriannuel de leur suppression. Le « bouchon écologique » francilien est une ânerie.

-promouvoir un plan d’implantation de centrales au gaz à cycle combiné sur le territoire qui absorberaient les pointes croissantes d’appel de courant dues à la croissance de l’éolien et à celle du chauffage électrique (pompes à chaleur inefficaces par grand froid). Ce plan dispenserait notre réseau d’importer de la puissance électrique allemande issue de centrales au charbon ou au lignite polluantes. Le PIB de notre pays s’en trouverait accru et la pollution allemande s’en trouverait réduite…pour une fois ce serait l’inverse de la mode écologique en cours qui réduit notre pollution et fait croître le PIB allemand.

Tout cela devrait être imaginé et élaboré avec le moins possible d’intervention européenne. En effet il suffit de lire l’Executive Summary (surtout n’allez pas plus loin!) du récent « Report of European Expert Group on Future Transport Fuels January 2011 » pour vous rendre compte que ces pauvres « experts » n’ont rien à dire ou se sont tellement censurés que cela revient au même. Ce document doit, parait-il, servir de base à de futurs échanges européens sur le sujet, il ne faut donc rien en attendre.

Le rapport des « experts » de Janvier 2011.

Le 1er Février 2011

 

Commentaires

11 réponses à “Et si les cours du Brent étaient une occasion pour se poser les bonnes questions sur le mix énergétique de notre pays”

  1. Avatar de Benkebab
    Benkebab

    Bonjour,
    dans vos axes de réflexion sur le mix énergétique, vous ne parlez ni du développement des énergies renouvelables (vous leur préférez le gaz), ni de celle des véhicules électriques (vous parlez de véhicules hybrides, mais par rapport aux biocarburant).
    Est-ce volontaire? Il me semble que ces 2 axes seraient primordiaux dans le cadre de votre « Plan National Energétique » (un Grenelle 3?) en vue de plus d’indépendance énergétique.

  2. Avatar de an391

    Bof, tout ça c’est une bulle spéculative, non ? Ça devrait se dégonfler vite fait à priori

  3. Avatar de Marvin
    Marvin

    Cher Ray,
    Je ne comprend toujours pas, après avoir lu de nombreux postes ici même, pourquoi vous vous attachez ainsi à ne voir que la moitié du problème.
    Pourquoi remplacer toujours des moyens de production par d’autres moyens?
    Pourquoi fabriquer des centrales à cycle combiné quand on pourrait, certes en construire, mais limiter la pointe électrique par un signal tarifaire dissuasif, et des moyens de gestion automatiques? Savez vous que la capacité d’effacement en France a diminué de plus de 50% en 20 ans?
    Pourquoi construire des autoroutes et pas des tramways?
    Je sais que ce ne sont pas des solutios aux problèmes, à elles seules. Mais comme ne l’est pas l’augmentation sans fin des capacités de production…
    Maîtrise de la demande ne veut pas dire décroissance, ni écolo-naiveté, je tiens à le préciser avant que vous ne répondiez!
    Enfin, j’ai une vrai question, par rapport à ce que vous avancez, avec notamment un basculement fort sur le Gaz. Ne pensez vous pas qu’il soit possible qu’arrive des tensions sur ce marché, et plus tot qu’on ne le pense, avec par exemple une désorganisation telle qu’on le voit actuellement dans les pays producteurs/où le gaz transite, style crise du gaz Russe / Ukraine ?

  4. Avatar de Christian
    Christian

    Avec 35 milliards par an, on en ferait des choses, alors avec 60 !
    A titre indicatif, pour Marvin et les Benkebab (ravi de vous retrouver ici !), les experts de l’immobilier estiment à 400 milliards le coût des mises aux normes du bâti existant sur 20 ans… (j’ai perdu ma source). Et l’immobilier n’est que 40% du problème des fossiles.
    Or cet investissement est à supporter exclusivement par les propriétaires, qui par définition sont /déjà/ endettés.
    La conversion de moyens de production se fait par les industriels… qui empruntent à leur banquier et remboursent grâce à leurs bénéfices. C’est une sacrée différence.
    Entre les deux, un mécanisme tombé en désuétude pour l’Etat : la souscription. Les derniers à l’avoir fait (à petite échelle : 3 milliards par ci-par là) sont EdF et GdF-Suez et ont bouclé leurs opérations en moitié moins de temps que prévu.
    Raymond a raison : c’est la « crise » (bulle ou pas) c’est le bon moment de débattre. Il coïncide avec une campagne présidentielle. Excellente chose.
    Une bonne souscription d’Etat à hauteur de 100 milliards (20 EPR ! ou 1/4 des logements rénovés), un basculement de certains moyens de production, un lancement énergique de la voiture électrique (en dehors grands groupes déjà établis et dérangés par le changement), quelques taxes bien senties, et le tour serait joué. En un mandat, avec de jolies perspectives…
    Mais je ne suis pas candidat…

  5. Avatar de Marvin
    Marvin

    @Christian
    Ou avez vous vu que je parlais de rénovation du bâti?
    Je sais que c’est une idée bien trop révolutionnaire par ici!
    Non, sans rire. C’est vous qui parlez chiffres, et qui demandez une souscription d’état? Par les temps qui courent? Vous êtes au courant que l’état a plus un radis? Qu’à Bercy ils n’ont qu’une peur, c’est de perdre leur triple A ?

  6. Avatar de el gringo
    el gringo

    Ne pas oublier qu’entre la Tunisie et l’Egypte, vous avez aussi un pays avec un dictateur sur la fin qui intéresse beaucoup les USA.

  7. Avatar de Ray
    Ray

    Cher Benkebab, si un blog parle abondamment des véhicules hybrides et électriques c’est bien celui-ci.
    Tenez, reportez-vous à un papier écrit en Avril 2008 par exemple, époque où bien peu parlaient du Plug-in et autres EV:
    http://www.leblogenergie.com/2008/04/pourquoi-va-t-o.html
    Une autre méthode est de cliquer en bas à droite de la page, dans la rubrique « catégories » sur le mot clé « Véhicules électriques ». Je suis sûr que vous y apprendrez plein de choses.
    Alors pourquoi je ne les ai pas cités dans ce papier? Tout simplement parce que le processus est en marche et qu’il est dans les mains des constructeurs de véhicules et de batteries. Ce sera un processus lent sur plusieurs décennies au rythme du renouvellement du parc automobile. Il n’est donc pas adapté à un plan d’urgence qui serait plutôt un anti-Grenelle 1, non pas d’indépendance mais de sauvetage économique de ce qu’il reste encore productif dans notre pays.

  8. Avatar de Ray
    Ray

    Marvin, je n’ai rien contre les « Smart Grid » sinon qu’elles ressemblent un peu à l’Arlésienne qu’on attend toujours. Quand aurons-nous le premier composant dans tous les foyers qu’est le compteur intelligent? Dans une décennie…ou deux?
    Quand au gaz naturel vous pouvez en acheter des centaines de millions de pieds cube un peu partout dans le monde. Aux Russes, aux Algériens, aux Norvégiens bien-sûr, mais aussi à tous les méthaniers du Qatar, d’Afrique de l’Ouest ou d’ailleurs qui ne savent plus où livrer leurs cargaisons depuis la quasi fermeture du marché américain qui pourrait même devenir exportateur. Le gaz naturel va devenir la première ressource énergétique du XXIème siècle avec une croissance annuelle en volume de 2,1% prévue par BP d’ici à 2030.

  9. Avatar de Ray
    Ray

    el gringo, vous avez raison c’est pour cela que j’avais cité la Libye comme une des composantes du problème. J’aurais pu ajouter le Yémen dont le gaz naturel intéresse beaucoup Total.

  10. Avatar de Piotr
    Piotr

    Il y a aussi limiter la vitesse sur autoroute a 110 km/h, et sur route à 80 km/h

  11. Avatar de Christian
    Christian

    Marvin, je me suis sans doute mal expliqué.
    Le mécanisme de la souscription c’est de demander de l’argent aux gens solvables.
    En l’occurence, l’Etat pourrait demander à ses citoyens les plus riches.
    Quand EDF a lancé une souscription, ils ont levé 2 milliards en … 1 semaine !
    http://www.lefigaro.fr/societes/2009/06/25/04015-20090625ARTFIG00323-la-souscription-de-l-emprunt-edf-bat-des-records-.php
    Le rendement promis est de 4,5 %.
    Il y a des Français qui ont de l’argent !
    Il faut savoir les intéresser à placer cet argent dans des opérations qui rapportent !
    Et ré-équilibrer la balance commerciale, résorber le déficit, garantir le triple A, etc., tout cela leur rapporterait, indirectement bien sûr, et l’Etat gagnant pourrait rémunérer cela… Si EDF peut faire 4,5 %, l’Etat sur une opération comme cela pourrait faire un peu plus que le livret A, non ?
    Soit on fait des opérations manifestement sexy et valables, et l’argent tombe, ce qui oblige à réfléchir au réalisme et à l’acceptabilité des mesures…
    Ou alors, on taxe sévèrement, et on décide arbitrairement ce qu’on fait de l’argent. Ce n’est pas mon approche.

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