La fermeture annoncée de deux raffineries en France permet d’accompagner la baisse observée des consommations de pétrole.

 La baisse des consommations de pétrole en France est un impératif économique majeur aux retombées environnementales favorables. En effet le montant de la balance commerciale en pétrole brut et produits raffinés publié par les Douanes, affichait, à fin Août, un déficit de plus de 34 milliards d’euros sur les 12 derniers mois (26,3 pour le pétrole et 8,1 pour les produits raffinés). Ce bilan dépend étroitement des quantités de pétroles et produits raffinés consommés dans notre pays et des cours mondiaux de ces produits. Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour prévoir que dans les décennies à venir ces prix vont flamber tirés à la fois par une offre de plus en plus difficile à extraire du sol et par une spéculation qui jouera gagnante à coup sûr. La seule alternative économique pour la France est de poursuivre et d’accélérer sa politique de réduction des consommations en produits pétroliers qu’elle a sérieusement entamée depuis 2005.

FIG.I : Consommations cumulées sur 12 mois mobiles en produits pétroliers (courbe rouge) et cylindrée moyenne des voitures vendues durant l’année précédente (losanges et courbe de tendance).

  Conso-France

 Un examen des consommations de pétrole sur 12 mois glissants montre que la consommation moyenne en produits pétroliers en France est passée d’un maximum à 2050 milliers de barils par jour en 2002 à un palier provisoire situé à 1800 milliers de barils/jour (FIG., courbe rouge). Dans un parc automobile en faible croissance, il faut historiquement attribuer une part de cette baisse de 250 mille barils/jour à la diésélisation du parc automobile. Les ventes de voitures neuves étaient de type diesel à hauteur de 49% en 2000, elles le sont dans 70% des cas aujourd’hui, avec un maximum de 77% observé en 2008. Mais depuis 2005, avec l’augmentation des prix des carburants et des diverses incitations gouvernementales à acheter des véhicules neufs peu polluants, c’est la baisse moyenne des cylindrées des véhicules de tourisme qui semble mener la danse. La baisse des cylindrées moyennes des véhicules neufs immatriculés dans l’année (losanges bleus et courbe de tendance sur la FIG.) accompagne la baisse des consommations.

 Bien sûr d’autres paramètres interviennent dans la baisse des consommations en produits pétroliers comme par exemple le développement de l’usage des biocarburants. La France a produit un milliard de litres de bioéthanol en 2009, ce qui représente 17 mille barils/jour. Elle a également produit 1959 mille tonnes de biodiesel ce qui fait dans les 39 mille barils/jour de carburant. Ces productions de plus de 50 mille barils/jour qui se retrouvent dans les volumes comptabilisés à la sortie des raffineries, sont à ajouter à la baisse décennale des consommations de pétrole.

FIG.II : Implantation et capacité de production des 12 raffineries de la Métropole

Raffineries-France

 Il ressort donc qu’en six ans la consommation en produits pétroliers de la France à baissé de plus de 250 mille barils/jour. Si l’on en croit l’UFIP, la capacité de production des 12 raffineries de pétrole implantées sur le territoire métropolitain serait de 98 millions de tonnes par an soit dans les 1970 mille barils par jour (FIG.II, base 7,33 barils/tonne). Cette capacité de production il y a cinq ans, compte tenu des importations de gasoil en provenance de l’ex URSS et des exportations d’essence vers les USA alors gros consommateurs, était compatible avec la demande. Aujourd’hui, les fermetures programmées de la raffinerie de Reichstett par le suisse Petroplus et de cette des Flandres par Total représentent une baisse des capacités de raffinage de 10,7 millions de tonnes par an ou 215 mille barils/jour. Elles vont ainsi permettre de mieux équilibrer l’offre à la demande pour 2010 et 2011.

 Dans les années à venir, la poursuite de la baisse des consommations programmées par l’accroissement de l’efficacité énergétique des véhicules est inéluctable et indispensable. L’effort sur les productions de biocarburants ne va pas se réduire. D’autre part l’arrivée massive de petites cylindrées et de véhicules hybrides va avoir tendance à rééquilibrer la demande vers l’essence et donc à faire baisser les importations françaises de gasoil et les exportations d’essence. Il apparaît alors comme évident qu’un nouvel ajustement quantitatif des capacités de production du raffinage sera à nouveau un jour nécessaire en France.

 Les syndicats ouvriers des raffineries en ont bien sûr le pressentiment, ce qui explique leur agressivité. Mais il n’est pas sûr que les méthodes d’arrêts de travail et de blocages rustiques auxquels ils procèdent soient les meilleurs moyens pour retarder et préparer harmonieusement cette tendance longue à la décroissance contre laquelle ils sont impuissants. Au contraire, de tels mouvements à grand spectacle auxquels nous assistons, ne sont que de nature à inciter les pétroliers à aller raffiner ailleurs et à accélérer ainsi un peu plus le processus d’adaptation à un monde moins gaspilleur d’énergies fossiles. Les faits sont têtus.

Le 22 Octobre 2010

Commentaires

3 réponses à “La fermeture annoncée de deux raffineries en France permet d’accompagner la baisse observée des consommations de pétrole.”

  1. Avatar de Olivier
    Olivier

    excellent article ! tout est dit. Plus ils bloquent, plus vite les raffineries fermeront

  2. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    Je suis d’accord avec le diagnostic d’ensemble, mais pas avec la figure 1
    Cette figure compare les évolutions :
    – de la cylindrée des véhicules neufs
    – de la consommation d’hydrocarbures(+biocarburants)
    C’est ignorer que le parc automobile ne se modifie que lentement : une voiture reste aujourd’hui plus de 15 ans en service
    l’accroissement du parc de voitures est en partie du à l’allongement de la durée de vie des voitures (effet de l’amélioration de la qualité des constructeurs)
    Il faudrait donc décaler de 10 à 15 ans les courbes pour les rendre comparable!
    En fait le second graphique illustre le ralentissement économique, du à la crise, ralentissement dont nous ne sommes pas totalement sortis.

  3. Avatar de Ray
    Ray

    Lucas, bien sûr votre remarque est pertinente et ne m’avait pas échappé. Mais sera bien fort celui qui distinguera des économies liées à un comportement des acteurs plus responsable et de celles liées à une baisse globale des activités. Comme vous le savez consommation de pétrole et activité économique(PIB) ne sont plus liées. L’élastique s’est cassé, c’est particulièrement vrai pour la France.
    Il faut voir dans la baisse des cylindrées figurées ici un exemple du comportement plus responsable des acteurs économiques qui peut se concrétiser par plein d’autres actions (réduction des trajets moyens, co-voiturage, utilisation transports en communs, moindre chauffage au fuel, optimisation de la logistique dans les transports, etc.)
    Ce phénomène d’optimisation est en marche et n’est pas près de s’arrêter, surtout si les prix à la pompe continuent leur croissance.

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