L’épiphanie est survenue alors qu’une R1200RT que j’avais vu fondre sur moi dans mon rétro de gauche a ralenti une fois à ma hauteur. Le pilote à lorgner un instant la F800ST, comme si l’aîné de la famille était surpris de voir son petit frère sur les mêmes routes que lui, et est reparti aussi vite qu’il était venu.
Jusqu’alors, je n’avais rencontré qu’indifférence, surtout de la part des nombreuses H-D croisées, comme si une petite Allemande en habit de bourlingueuse faisait tache au milieu de ces grands espaces québécois parsemés d’épinettes rachitiques. Je caricature, mais il est vrai que cette BMW de moyennes cylindrées apparaît comme un anachronisme sur roues dans le parc moto nord-américain. Pourtant, pour qui sait voir, toucher et ressentir, la F800 a beaucoup à offrir.
Comme souvent chez BMW, la qualité de finition est au dessus de la moyenne avec ce carénage tout d’un bloc qui est aussi solide qu’il en a l’air. Les rétroviseurs, puisqu’il en fut question, ne bouge plus une fois ajustée, ce qui est presque un luxe. Le renflement qui se fait passer pour le réservoir, celui-ci étant sous la selle pour abaisser le centre de gravité et ajouter en maniabilité, s’avère d’une ergonomie adéquate lorsque vient le temps de plonger dans la bulle du pare-brise. Ce dernier est un peu juste en hauteur par contre, les turbulences me frappant le haut du thorax, mais ce n’est rien pour mettre en péril le plaisir de la route. Le guidon bien en mains, la position n’est pas loin d’être idéale. Le corps juste ce qu’il faut vers l’avant, sans exagération pour éviter la fatigue du cou et des poignets, les pieds légèrement vers l’arrière, ce qui libère les jambes de toutes intrusions à l’arrêt. Le siège est confortable, mais en fin de journée on l’apprécierait un peu plus moelleux.
Le tableau de bord offre le meilleur des deux mondes, analogique pour la vitesse et le compte-tours, et numérique pour le reste des infos comme l’odomètre, la vitesse engagée et le niveau d’essence, qui sur la machine essayée souffrait d’un bogue, affichant constamment le plein d’essence, même après plus de 200 km. Ce qui pour un réservoir d’une capacité de 16 litres, fait preuve d’un optimisme aveugle.
Le guidon, comme on l’a vu, permet une bonne position de conduite, y retrouvant même l’interrupteur (en option) pour les poignées chauffantes. Demeure le système alambiqué pour actionner les clignotants, actionnant la manette de gauche pour tourner à gauche, celle de droite pour tourner à droite, mais annulant les deux par un unique bouton poussoir à droite. Le temps de prendre la mesure de ce système (quelques heures dans mon cas, il y en a qui sont plus lents que d’autres), les erreurs se multiplient, comme d’actionner le klaxon plutôt que le clignotant. Il doit y avoir encore quelques innocents piétons qui se demandent pourquoi ils se sont fait klaxonner.
Mais si, à mon corps défendant j’ai chahuté quelques badauds, la F800ST fut plus tendre avec moi, absorbant les inégalités de la route avec une belle efficacité, malgré la fourche télescopique de 43 mm non réglable, mais le combiné ressort amortisseur central sur monobras oscillant fonctionne à merveille. Et comme celui-ci est ajustable, 2, 3 petites randonnées suffisent pour trouver le bon réglage, si celui de l’usine ne convient pas.
Le bicylindre 4 temps refroidi par eau de 798 cm3 s’acquitte sans efforts apparents de déplacer les 187 kg autour de lui. Mis au point par Rotax, on pourrait reprocher à ce moteur une linéarité sans surprise et une sonorité peu engageante, ce qui pour le modèle Sport peut être décevant, bien qu’un échappement dit «sport» par Akrapovic soit offert, mais nous n’avons pas eu l’occasion d’en faire l’expérience sonore.
Comme sa finalité, du moins pour le ST, n’est pas d’épater la galerie, mais bien de déplacer le plus efficacement possible ses occupants, on peut alors dire mission accomplie. Un dernier bémol concernant cette motorisation est l’irruption de claquements, surtout à bas régime, lorsque l’on cherche à maintenir une vitesse constante. Ce désagrément proviendrait de la tension de la courroie qui malgré l’amortisseur de couple, ne permet pas d’atteindre un équilibre dans le jeu de la boîte de vitesses. Tant qu’à être en boîte, celle-ci ne se révèle ni meilleure ni pire que les autres, sinon que le «clac» à l’enclenchement de la première pourrait être un peu plus discret, il y a toujours une volée d’oiseaux qui s’ébrouent dès qu’on la passe, mais j’imagine que c’est une question de préférences.
Déjà que le prix approche du faste pour une 800cm3, la liste à rallonge des accessoires risque de faire grimper la facture encore plus pour les accros du magasinage (shopping). Certaines options par contre sont bien tentantes, comme les poignées chauffantes et les valises que j’ai bien appréciées et que je trouve très belles. C’est l’esthète en moi qui se laisse aller à un petit excès d’enthousiasme, mais il est capable de résister au saute-vent teinté, aux clignotants à DEL blancs, au capot de selle arrière et au Navigator (GPS).
Cette petite BMW, quoique très bien née, demanderait encore un peu de polissage ici et là, mais elle est de ces caractères qui savent se faire pardonner leurs travers.
D’un style soigné, sobre et de qualité, la F800ST offre une expérience de la route au-dessus de la moyenne. Encore faut-il pour cela ajuster ses priorités à celles qu’offre la moto. Pour qui sait se retenir dans les courbes et qui a des ambitions raisonnables pour ses escapades au long cours, elle s’avère amplement satisfaisante, le logo en plus.
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