Lifan, la Chine modulaire

Lifan

Ma nièce, qui vient d’avoir 13 ans est née en Chine de parent Chinois, puis adoptée encore bébé, par ses parents actuels qui sont québécois. Alice, c’est son nom, est on ne peut plus chinoise, du moins ses gênes le sont, mais elle est résolument québécoise, avec un nom québécois, un passeport canadien, une langue, le français et toute l’attitude d’une ado baignant dans une société nord-américaine. En fait, pour nous, Alice n’est pas Chinoise, elle est tout simplement Alice.
Et les centaines de milliers de consommateurs qui se procurent une moto Lifan, le leader chinois des deux roues, ont le même raisonnement. L’héritage japonais des motos Lifan disparaît bien vite de la tête des gens, une Lifan est une Lifan, c’est tout.

L’histoire semble se répéter et, ironie du sort, les Japonais qui après la guerre ont bâti leurs assises industrielles en faisant de la rétro-ingénierie des produits électroniques et automobiles américains, se sont fait faire le coup par les Chinois.

Il n’y a pas 30 ans, l’industrie de la moto en Chine était à peu près inexistante, seuls quelques modèles militaires sortaient des usines d’états. Puis, dans les années 80, les constructeurs japonais ont pu mettre un pied dans la marmite du marché chinois, la demande augmentant de façon significative pour ce type de produits. Par contre, on ne les laissa pas libres de s’implanter à leur guise. Pas question de laisser l’industrie japonaise prendre racine sur le sol chinois, ils durent mettre entre les mains d’entrepreneurs locaux leur technologie, et ce, dans des usines sous contrôle de l’état chinois.
Les premières années de ce mariage de raison satisfaisaient les deux parties, les constructeurs nippons profitant d’une main-d’oeuvre à rabais et d’un marché en pleine explosion. Quelques années de ce régime et les motos japonaises dominèrent le marché chinois, faisant de la Chine au début des années 90 le plus gros producteur de motos au monde.
Mais l’histoire avec un grand H roule aussi, et la Chine n’y échappa pas, s’ouvrant de plus en plus à une économie de marché. Et même si l’état chinois tenait toujours fortement les rênes de secteurs cruciaux de son économie, celui de la production de biens de consommation eu un peu plus de marge de manoeuvre, et une fois les règles assouplies, les intérêts privés chinois s’engouffrèrent avec une soif et un entrain irrésistible dans tous ces domaines, dont celui de la moto.

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Pendant des années, les travailleurs chinois de l’industrie de la moto furent formés par les Japonais, devenant une main d’oeuvre qualifiée et spécialisée. Les entrepreneurs locaux, dont Lifan, surent tirer profit de ces nouveaux travailleurs pour se développer rapidement.
L’innovation n’était certainement pas à l’ordre du jour lors de cette phase de rapide croissance, et comme on le disait plus tôt, ce fut le règne du copier, coller. Mais comme les Japonais avant eux, les Chinois apprennent en étudiant ce qui est déjà sur le marché, court-circuitant ainsi bon nombre d’étapes.

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Mais si les Chinois ne sont pas les champions de l’innovation en matière de design, leur approche de la production n’est en rien conventionnelle. La production d’un objet complexe comme une moto ou simple comme le stylo que je tiens entre mes doigts, découle normalement d’un même processus. La compagnie définit les paramètres à suivre et demande à ses fournisseurs de leur faire exactement ce qu’elle demande, pour ensuite assembler le tout et le mettre en marché.
Lifan et certains autres industriels chinois prennent une autre route, tournée vers la collaboration et plus ouverte.
Plutôt que d’imposer de rigides règles pour les différentes pièces, Lifan ne donne à ses fournisseurs que les paramètres de bases, comme les dimensions de la fourche, pour qu’elle s’ajuste au cadre fabriqué ailleurs, mais pour le reste, le fournisseur est libre d’expérimenter et d’améliorer son produit. Et comme la concurrence est vive, le laisser-aller n’est pas bienvenu.
Celui qui produit la fourche coopère avec ceux qui s’occupent des freins, de la roue, du garde-boue, pour s’assurer de demeurer compétitifs, et comme ils deviennent ultras spécialisés, leur temps de production est très rapide.
Lifan en bout de ligne se retrouve avec des modules à assembler, réduisant ainsi non seulement ses coûts de R&D, mais aussi d’assemblage et de main d’oeuvres. Ce qui donne des motos moins chères et produites plus rapidement.
Elles ont beau être au fond d’elles-mêmes des Japonaises, quand elles roulent hors de l’usine, ce sont bel et bien des motos chinoises.

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Et le succès est au rendez-vous, faisant perdre plus de 40% de parts de marché aux Japonais en quelques années. De 10 millions de motos chinoises en 1997, ce chiffre à doublé en 10 ans, la moitié allant maintenant à l’exportation, submergeant toute l’Asie en faisant baisser les prix de façon dramatique.

Reste à voir comment cette industrie réussira à gérer une telle croissance, des changements sont à prévoir, mais avec des ventes de plus d’un milliard d’euros, une compagnie comme Lifan est bien positionnée pour relever ces nouveaux défis. Le plus grand de ceux-ci étant l’exportation hors des marchés naturels de l’Asie. Déjà en 2001, Lifan exportait ses premières motos au Japon, et depuis 2003, le marché européen s’est ouvert.

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Il faudra aux entrepreneurs chinois de la patience, ils en ont, et des produits non seulement de qualité, ils y arrivent, mais aussi ayant ce pouvoir de séduction qui, pour l’instant, leur fait défaut.

J’ai quand même bien hâte de voir si dans 15 ou 20 ans, nous saliverons devant les nouveautés de Lifan comme on le fait actuellement pour celles de Ducati?

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Commentaires

6 réponses à “Lifan, la Chine modulaire”

  1. Avatar de steph
    steph

    La première moto est un revival de la virago yamaha 535 non ? quant à la deuxième on dirait le ludix de peugeot affublé d’une coque arrière…Suis pas fan des produits chinois

  2. Avatar de Moto Chine Info

    L’on disait la même chose des motos japonaises il y a quelques décennies. L’histoire se répète et le scepticisme aussi, rien d’anormal. Les dernier modèles Jialing ont l’air au niveau design plus chiadés. Dans les 3 ans à venir on verra une amélioration de la qualité et du design.

  3. Avatar de Titia
    Titia

    Je suis allée voir ces Jialing par curiosité et je les ai trouvées laides. Pour la comapraison entre les premiers modèles des motos japonaises et chinoises, pour être née dans une famille de motards et motardes, ça tient pas, notamment au niveau de la qualité.

  4. Avatar de Glide
    Glide

    Mais que c’est moche comme bécanes. 😀
    Oui c’est subjectif et alors,c’est nous qui dépensons non??

  5. Avatar de Jackie
    Jackie

    J’aimerai vraiment savoir quelle sont les matèriaux utilisé pour la fabrication des motos chinoises, aussi bien dans le moteur que dans le carrenage

  6. Avatar de De Neyn
    De Neyn

    J’ai acheté une 125 cc Custom Lifan et en suis content. A part quelques vibrations. Dommage qu’il n’y ai pas de plus grosses cylindrées

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