Quand André avait relayé l’information, je m’étais dit que ça vaudrait sûrement le coup de poser mon auguste fessier sur une selle, fût-elle inconfortable, d’un des derniers outils à terroriser les sportives de la marque autrichienne.
Vendredi, donc, j’enfourchais mon fidèle destrier (140 000 kilomètres au compteur depuis quelques jours, ça s’arrose !) et profitais d’une météo tout à fait printanière pour me rendre au fin fond des Yvelines, chez Mega Service Moto.
Accueil aux petits oignons des gérants de la concession, et en guise d’oignons ce sont des viennoiseries et cafés qui permettaient aux visiteurs de tenir le coup en attendant le retour de la bête, déjà sortie pour un galop d’essai avec un autre prétendant à son guidon. Faute de 990 SuperDuke, non disponible, c’est la 950 SuperMoto que je souhaitais avant tout essayer, par pure curiosité ludique je dois l’avouer.
Allez, en selle. On monte. C’est haut. On se pose dessus, plus qu’on n’entre dedans comme avec une sportive. La position n’est pas spécialement typée supermot’, le bassin et le haut du corps n’étant pas très avancés (moins que sur une Cagiva Navigator, par exemple). Ca permet de réfréner les envies de sortir le pied à chaque rond-point … Le twin s’ébroue, le bruit est sympa, ça ronronne gentiment, l’inertie est réduite et ça se sent à chaque coup de gaz. Premiers tours de roue tranquillement, histoire de prendre ses marques, de surveiller les rétros (la visibilité y est correcte, grâce au grand guidon), d’essayer les freins. L’arrière ralentit, c’est mieux que rien, mais moins que bien. L’avant freine … fort ! Perdre l’habitude de freiner avec toute la main, ne conserver que deux doigts. Un seul suffirait sans doute, sur le mouillé. La puissance est au rendez-vous, le dosage moins, l’attaque étant un peu trop franche à mon goût.
En dépit des carbus le gros twin est agréablement souple. 45 km/h en troisième, 65 en quatrième (pas de compte-tours !) sur un filet de gaz, c’est possible, et sans hoquets. La moto n’a que 150 kilomètres au compteur, je n’ose tirer franchement dedans, même si je sais que d’autres n’ont pas eu mes états d’âmes (je pense à celui qui me précédait, qui trouvait que "le rupteur coupait trop tôt" …). Mais quand on ouvre ça envoie fort, très peu d’inertie là encore, un coup de pied au cul assez teigneux, dont la perception est accentuée par la position, qui empêche de charger convenablement l’avant. J’imagine que les amateurs de wheeling apprécieront ! Ensuite le bicylindre régule relativement tôt, plus que le souvenir que je garde de mon TL 1000 S par exemple, dont l’allonge était cependant redoutable compte tenu de l’architecture.
Quelques (trop courts !) enchaînements de virages, de virolets dirons-nous (je rêverais d’essayer la bestiole entre Tournon et Lamastre), ici on se contente de deux ou trois ondulations du ruban de bitume. La vivacité est redoutable, la moto se conduit exclusivement au guidon, appuis sur les repose-pieds et mouvements du haut du corps étant facultatifs. En revanche l’avant semble léger, léger. Eternel compromis entre l’agilité et la stabilité. Cojones obligatoires dans les grandes courbes rapides … ! Le petit tour de manège (fléché !) est déjà terminé, j’ai apprécié le moteur, bien qu’essayant de sauvegarder son rodage, et ai été un peu déstabilisé par la partie-cycle, moins souveraine que ce que je pensais. La moto ne se livre pas si facilement, et gagne sans doute à être réglée au bon vouloir de chacun … Mais c’est à n’en pas douter un formidable outil sur nos petites routes.
Je passe ensuite à cette grande girafe qu’est l’Adventure. Le 950 à carbus laisse la place à un 990 injecté. La différence de poids à vide est inférieure à 10 kilos, et pourtant on a l’impression d’être dans un autre monde. Les suspensions bien plus souples, les pneus à tétines, ce gigantesque tête de fourche, loin là-bas devant …
Est-ce l’injection ? Toujours est-il que la poussée est plus "lisse", plus feutrée, et que le moteur donne l’impression d’être bien moins méchant que celui de la SM. En revanche la moto est plus facile, plus intuitive. On s’imagine déjà en train de terroriser les pilotes de GSX-R en laissant planer la silhouette menaçante du grand carénage dans leurs rétros sur les petites routes du Morvan, ou partir dans de grandes dérives de l’arrière sur les pistes en terre de la Tunisie ou de la Mauritanie …
Mais je me contente de rester sur ma voie en luttant contre le vent qui s’est levé et de ramener la moto à bon port. Un dernier broap, je coupe le contact, c’est fini. Merci à l’équipe de Mega Service Moto …