
La beauté est culturelle dit-on, mais c’est un peu trop froid à mon goût, je préfère l’émotion. Le beau génère une réaction épidermique, pas comptable, et ce faisant, devient subjectif. Les canons peuvent bien servir de gabarit, l’Orient, l’Occident, l’Asie, n’ont pas les mêmes, mais à l’intérieur de ces paramètres, il appartient à chaque individu de définir ses préférences.
Et puisque nous parlons toujours de motos ici, je vous dois de présenter ma définition de ce qu’est une belle moto. Vos critères risquent d’être différents, et c’est très bien sinon, il n’y aurait qu’une moto pour tous, et qui ne ferait l’affaire de personne. Le vrai égalitarisme n’étant pas le bonheur pour tous, impossible à atteindre, mais bien le malheur pour tous, beaucoup plus accessible.
Alors, une belle moto se doit d’avoir des lignes harmonieuses et élégantes sans chichi et fla-fla, où moins est plus. Je préfère le classicisme au futurisme, ce qui ne veut pas dire que je sois contre l’innovation, il faut juste que la cohérence n’y soit pas sacrifiée. Cohérence donc, pureté, fluidité et qualité. Le pire, c’est qu’ils sont utilisés dans à peu près toutes les publicités, mais dans le monde du marketing, ils ne sont que suggestion, et comme on ne roule pas sur les mots, mais bien sur une moto, on constate rapidement qu’ils sont plus difficiles à mettre en application qu’à dire.

Et parlant de formes découlant de la fonction, la Suzuki Hayabusa en est un exemple des plus éloquent. Cette Suzuki est une des motos de grandes productions les plus rapides qui soient, et elle semble avoir été façonnée par les éléments mêmes qu’elle fend à toute vitesse. Ce n’est pas tant une moto qu’une sculpture à laquelle on aurait greffé moteur et roues pour le simple plaisir de voir bouger les formes.
Son allure a peu changé avec les années, mais elle s’est raffinée, et la 2009 offre un positionnement plus bas du réservoir et un coupe-vent un peu plus relevé, permettant au pilote de disparaître au creux de la machine.
Pour aller vite, très vite même, les candidates ne manquent pas, mais aucune n’intègre cette notion de vitesse pure dans ses gênes et son enveloppe comme la Hayabusa.

Je n’ai pas toujours été tendre envers Honda, et une aussi grosse boîte donne souvent le meilleur comme le pire. Mais ce prototype de 2005, devenu 3 ans plus tard la Honda DN-01, offre le meilleur de Honda. Ce n’est peut-être pas une moto parfaite, sa fiche technique divise, mais puisqu’il n’est question ici que de style, force est d’admettre qu’on a là un objet hors de l’ordinaire.
L’attention médiatique autour du DN-01 s’est concentrée sur la boîte automatique, mais son allure post néo-futuriste (non, je n’ai aucune idée de ce que ça veut dire, sinon que c’est bizarre et nouveau, mais avec un je ne sais quoi de l’idée que l’on se faisait du futur) enveloppe le concept de manière inattendu. On est donc bien en présence d’une bête totalement inédite, dans sa façon de faire, comme de paraître.
On peut trouver l’idée d’un cruiser à boîte automatique sans intérêts, mais qu’importe, puisque l’objet est réussi et communique avec panache sa différence. On sera reconnaissant du jusqu'au-boutisme des ingénieurs et designers de Honda, ne chipotant pas sur le radicalisme de certaines lignes, comme cette bulle agressive en forme de tête de requin, et l’échappement anguleux et organique.
Le DN-01 est bien seul de sa race, un ovni dans le paysage actuel, et en tant que tel, il ne risque pas de sa reproduire rapidement. Mais il est peut-être le chaînon manquant d’une race en devenir.

Il n’y a rien comme la première fois, l’excitation, les grandes espérances, la nervosité, la peur même parfois, mais quand l’objet de nos désirs sait se faire rassurant, l’apprentissage apporte alors de grandes satisfactions.
La petite PW50 de Yamaha est tout cela, et elle le fait depuis près de 30 ans. Sa longévité à elle seule garantit que le produit offre les bonnes réponses, le faisant le plus simplement du monde, et avec style.
Vu de loin, on dirait un jouet, un jouet paresseux car sans ornements, mais c’est bel et bien une moto, une première moto. Et parce que la PW50 est un outil d’apprentissage, la moindre déficience serait déplorable, mais elle ne se paie pas ce luxe.
Pour ce qu’elle est, on est pas loin de la perfection, on pourrait chipoter sur le fait qu’il n’y a pas grand-chose à rater, mais la simplicité n’est pas toujours un but facile à atteindre, surtout lorsqu’on veut en conserver l’efficacité. La ligne est belle, les jantes en alliage superbe, le petit 2 temps de 49 cm3 efficace, et les éléments de sécurité comme la protection de l’échappement et le contrôle de la puissance font de la Yamaha une machine idéale pour les enfants.
Et il ne suffit pas de passer une moto pour grand garçon au «réducteur de particules» pour qu’automatiquement, elle devienne une moto junior. La PW50 n’est pas une grosse moto en miniature, elle possède ses propres gènes, et ils furent bien nés.