Easy Rider, le film, a eu 40 ans cette année. Sorti en 1969 alors que le mouvement hippie atteignait des sommets, la ballade de Wyatt (Peter Fonda) et Billy (Denis Hopper), plutôt qu’une apologie d’une culture devenue immensément populaire, sera en fait la démonstration de la faillite d’un rêve dont la course fut interrompue par la rencontre brutale avec une Amérique réticente au changement.
Il y aurait donc beaucoup à dire sur ce film (et beaucoup a été dit comme cette excellente monographie du Britannique Lee Hill), comme sur le contexte politique et social de l’époque (Nixon, Apollo 11, le Vietnam), l’utilisation de la chanson populaire, la cinématographie du Hongrois Laszlo Kovacs, la présence de Jack Nicholson dans une version naïve du personnage, beaucoup plus inquiétant, qu’il deviendra par la suite, et l’influence marquante et immédiate sur le cinéma mondial (sans Easy Rider, Antonioni aurait-il fait le même Zabriskie Point avec son clone de Peter Fonda, ni le même Profession reporter, cette fois-ci avec le vrai Jack Nicholson?).
À l’époque, le film de motos était un sous-genre très populaire, Laszlo Kovacs et Jack Nicholson venaient de faire ensemble une série B, « Hells Angels on Wheels » avant de se retrouver sur Easy Rider, et Marlon Brando dans « The Wild One » toujours dans la conscience collective même 15 ans plus tard.
Voulant faire un western moderne, le choix de la moto pour remplacer le cheval allait de soi.
La communauté noire, pas très présente dans les westerns, s’était rapidement et passionnément éprise d’une passion pour la moto, et au milieu des années 60, elle se l’était approprié et la modifiait à son image. Le style chopper, selon certains historiens et commentateurs, lui serait redevable en grande partie, mais quoi qu’il en soit, c’est un noir, Ben Hardy, qui mettra au monde une des motos les plus célèbres qui soient.
Benny Hardy était réputé à l’époque pour ses modifications audacieuses et le soin qu’il apportait à son travail. Ainsi, lorsque la commande pour 2 choppers au style radical, mais au budget serré lui fut donnée, il se tourna vers le classique de l’époque, le Harley-Davidson HydraGlide. Il acquit à l’encan 4 machines du début des années 50 ayant servi dans la police pour 500 dollars. Billy, le chopper de Dennis Hopper, est moins radical que Captain America, mais certains détails comme le guidon droit (drag bar) font mouche et imposent le sérieux et la qualité du travail du constructeur.
Billy et Captain America furent construits chacun en deux exemplaires, pour ne pas ralentir la production en cas de bris mécanique. Un des deux Captain America est détruit dans la dernière séquence du film, et les trois autres furent volés dans l’entrepôt où ils étaient remisés à la fin du tournage. Démantelés pour être revendu à la pièce, ce n’est qu’après un travail de moine par Dan Haggerty qu’un Captain America put être restauré et exposé pour l’icône qu’il était devenu.
Easy Rider fut un classique instantanément, et même si des hippies sur des choppers ne sont plus très actuels, le film réussit à conserver intacte toute sa pertinence, l’âge n’y fera rien, ses 40 ans le prouve.
Sources: Slate, The Vintagent