Suite du premier épisode , au cours duquel vous vous demandiez si oui ou non, vous étiez prêt à vous jeter à l’eau en posant vos roues pour la première fois sur un circuit. Enfin quand je dis "jeter à l’eau", c’est au sens figuré, il y a effectivement un point d’eau au milieu du circuit, au milieu du gros haricot que dessine la parabolique. Mais si vous y tombez c’est que vous vous êtes sérieusement ratés dans la sortie du pif-paf.
Le plus dur est fait, vous avez pris votre décision : vous avez annoncé à madame que vous y alliez, elle vous a supplié de n’en rien faire, vous vous êtes montré intransigeant ("chérie, si tu m’aimes, laisse-moi faire ce qui me plaît, ce qui est nécessaire à mon équilibre" – elle est pas mal celle-là, hein ? Gardez-la, c’est cadeau), vous avez fanfaronné auprès de vos potes (du moins ceux qui n’y sont pas encore allés, les autres vous chambreraient), vous avez averti votre mère, votre concessionnaire, déjà commandé des carénages de rechange au cas où, bref, tout est prêt.
Hop, direction l’autoroute A1, sortie "parc des Expos", puis vous suivez le fléchage du circuit. Vous arrivez dans l’enceinte, il fait chaud, le paddock est rempli, vous vous dirigez vers le petit préfabriqué qui sert d’accueil.
Vous présentez vos papiers : permis, assurance à jour (c’est important, hein, pas de date de validité dépassée sur la carte verte par exemple), carte grise à votre nom. On vous passe un petit bracelet autour du poignet pour attester que vous avez bien rempli ces formalités. Maintenant vous vous dirigez vers la prégrille. Quand il fait beau, le week-end, c’est facilement deux ou trois sessions qui patientent déjà devant vous. S’il pleut, vous pourrez sans doute tourner quasiment immédiatement. A Carole les sessions se déroulent par paquets d’une vingtaine de motos, pour une dizaine de tours (variable selon l’affluence).
Vous faites connaissance avec vos voisins de prégrille. Quelques vrais pilotes en combi, moto avec poly sans plaque : de toute facon ils partiront devant, et vous ne les reverrez qu’à chaque fois qu’ils vous prendront un tour. Quelques vrais poireaux, comme vous, sur des motos parfois rutilantes, parfois improbables. Les plus rapides ne sont pas forcément ceux que l’on croit, le propriétaire d’un R1 tout neuf étant surement moins enclin à prendre des risques et à froisser son joujou à 13000 euros que celui d’une vieille 500 GSE qui a manifestement fait plusieurs fois le tour de la terre.
Faites le tour de votre monture pour vérifier que tout est en ordre de marche : plaquettes, pneus, pas de fuite d’huile ou de liquide de refroidissement …
Profitez aussi de ce temps mort pour réviser les drapeaux. Les plus importants pour vous sont, dans l’ordre, le rouge, qui vaut arrêt immédiat de la course session (ce qui signifie rejoindre le paddock au ralenti, et non pas béquiller au bord de la piste …), le jaune, qui signale un danger (huile sur la piste, concurrent tombé ou en panne … ou tombé en panne :-)), et enfin le bleu, qui vous indique qu’un pilote plus rapide est sur le point de vous dépasser et que vous devez lui faciliter la manoeuvre.
Ca y est, la session précédente se termine. Vous avez montré votre bracelet au commissaire chargé du contrôle, tout est OK, faites chauffer votre moteur. Placez-vous plutôt dans les derniers, et laissez passer avant même le départ les pilotes qui le souhaitent. Inutile de les bouchonner dans les premiers mètres, le fait de partir en "fond de grille" vous permettra au moins de ne pas stresser à cause de ce qui arrive derrière vous (et qui sait, peut-être, d’avoir le plaisir de remonter sur les plus lents …).
Vous entrez sur la piste, juste avant le virage alpha. Prenez le temps nécessaire pour faire chauffer vos pneus. Au minimum un tour par temps chaud, jusqu’à deux ou trois par temps froid et humide. On ne chauffe pas ses pneus en moto en faisant des zig-zags sur la piste comme en voiture, mais en alternant accélérations et freinages de plus en plus appuyés.
Une fois que vos pneus sont à température, que votre stress est un peu retombé et que vous vous sentez prêt à augmenter le rythme, une seule et unique priorité concernant la sécurité, tout à fait contraire à l’intuition : ne regardez pas ce qui se passe derrière vous ! C’est aux autres pilotes de faire le nécessaire pour vous doubler proprement, donc ne changez pas vos trajectoires de manière imprévue (et rien n’est plus imprévisible que la réaction de quelqu’un qui se fait surprendre). En sortie de virage, restez à l’extérieur de la trajectoire, et si le virage suivant nécessite de changer de bord de piste, faites-le progressivement.

Pour résumer, essayez de rouler proprement, et régulièrement. Repérez vos points de corde, vos points de freinage, réaccélerez progressivement. Et vous verrez, le plaisir viendra tout seul. Plaisir de découvrir sa moto dans un nouvel environnement, de ne plus faire attention aux contraintes du code de la route, de laisser monter l’adrénaline et l’ivresse des sensations … No limits !
Enfin, si, quelques limites quand même : celles de la physique. Dès que vous vous sentez parfaitement bien, rendez la main ! C’est en général un des signes annonciateurs d’un syndrome qu’on appelle "roulage au-dessus de ses pompes", avec souvent une sanction à la clé …
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