Avec la première neige de la saison qui s’abat sur Montréal, un peu d’humour ne fera pas de mal.
Ce billet de Jeremy Clarkson, l’impétueux journaliste automobile britannique de Top Gear, est le compte rendu d’une aventure tumultueuse entre l’auteur et une Vespa GTV 125.
Je vous en offre ma traduction, mais si votre anglais est meilleur que mes talents de traducteur, n’hésiter pas à lire l’original. Mais n’oubliez pas de revenir commenter ici.

«Récemment, certains journaux ont publié une photo de ma personne roulant sur une petite moto. Ils ont tous fait remarquer que, parce que je déteste les motos, cela faisait de moi un hypocrite et que seul le suicide se présentait comme une alternative viable.
Humm! Être photographié roulant des pelles à la postière, d’accord, des excuses auraient été envisageables, mais ce n’était qu’une moto. Je ne vois rien de bizarre à ce qu’un journaliste automobile s’intéresse à un truc pareil. Et certainement pas avec l’économie qui fout le camp alors que beaucoup se demande s’ils ne devraient pas faire le saut de 4 à 2 roues!
Malheureusement, cela ne peut se faire sur un coup de tête, et parce que c’est la Grande-Bretagne ici, il y a des règles.
Ce qui veut dire qu’avant d’y sauter à pied joint, l’on doit se rendre dans un vaste stationnement, mettre une veste aux couleurs criardes et tourner en rond autour de bornes, alors qu’un instructeur nommé Pierre, tous les instructeurs de motos se nomment Pierre, explique quel levier utiliser.
Après quoi, on vous lance sur la route où vous roulerez misérablement pendant des heures dans un état d’horreur abjecte, pour finalement retourner à la maison, jurant de ne plus jamais remettre les fesses sur une moto de votre vie.
Cela s’appelle «cours de base obligatoire» et permets de rouler toutes cylindrées de moins de 125cm3. Pour qui s’intéresserait à une plus grosse moto, il faut prendre un vrai cours, mais comme toute personne sensée, vous ne voulez pas d’une plus grosse moto, parce que vous allez immédiatement vous faire tuer, portant des vêtements de protection ressemblant à ceux de la dernière collection de Jean-Charles de Castelbajac, et qui voudrait ça?

Bon, reprenons du début. Une moto, c’est différent d’une auto. Ça ne tient pas debout tout seul, alors quand on ne roule pas, il faut l’appuyer contre un mur ou une clôture. Certaines motos auraient même leurs propres béquilles centrales permettant de les faire tenir droite. Mais ça ne se fait pas tout seul, il faut y mettre l’effort. Effort comparable au soulevé d’un Américain moyen.
Ensuite, les contrôles. Contrairement à une voiture, la standardisation ne semble pas exister. Le levier de vitesse peut être au volant, ou au plancher, devant l’actionner avec le pied, ce qui est incroyablement stupide, d’autres sont même automatiques.
Et puis, il y a le freinage. Parce que les motos sont pensées par des motards, et les motards comme chacun sait sont assez idiots, ils n’ont pas encore compris comment faire fonctionner le frein avant en même temps que le frein arrière. Ainsi, pour freiner de l’avant, il faut tirer un levier sur le volant et pour freiner à l’arrière, l’on doit actionner un levier avec son pied.
Un conseil de sécurité toute fois, si vous n’utilisez que le frein avant, il y a de bonnes chances que vous passiez par-dessus le volant, vous faisant tuer au passage.
Utilisez le frein arrière du mauvais pied et plutôt que d’arrêter, vous allez juste changer de vitesse et frapper l’obstacle que vous cherchiez à éviter, et vous faire tuer du même coup.
Un mot sur le volant. Ce dernier se présente sous la forme de ce que l’on pourrait décrire comme un guidon. Mais si vous le tournez en roulant, même à peine, vous allez tomber et vous tuer. Ce qu’il faut faire, c’est se pencher en entrant dans la courbe et regarder au loin pour voir venir sa mort.
Il y a bien quelques contrôles sur ce volant, comme un klaxon, des lumières clignotantes et des cadrans que l’on actionne par diverses manettes et commutateurs, mais si l’on penche la tête pour voir ce que l’on fait, on se fait frapper par un camion et l’on meurt.
Oh! Et comme si ce n’était pas suffisant, pour d’obscures raisons ces bidules ne s’éteignent pas tout seuls, roulant des heures avec ça dans le dos, laissant croire que vous voulez aller à droite alors que vous allez à gauche, vous faisant fatalement frapper.

Ce que j’essaie de dire ici, c’est que oui, motos et voitures sont tous les deux des moyens de transport, mais c’est tout ce qu’ils ont en commun. Croire que vous pouvez rouler en moto parce que vous le faites en auto est comme croire que vous pouvez gagner le marathon parce que vous courrez après le bus le matin.
Toutefois, plusieurs font le saut parce qu’ils s’imaginent qu’ils feront des économies.
Rien de moins vrai. Bien sûr que la Vespa essayée ne coûte pas une fortune, mais il faut un casque, une veste, des pantalons comme ceux de Johnny Hallyday, des chaussures, des gants de kevlar, un cercueil, une pierre tombale, et c’est sans compter les frais d’enterrement et les fleurs à l’église.
Ainsi, la petite moto de 125cm3 qui se présente sans coffre, sans vitres électriques, sans audio ni vidéo et certainement pas de chauffage vous coûtera finalement plus cher que la Volkswagen du voisin.
Cela étant, il n’est pas faux de dire qu’une moto est plus économique qu’une voiture, puisqu’il suffit d’un demi-litre d’essence pour se rendre de chez soi a l’endroit de son premier accident fatal.
Mais s’il peut sembler facile de prendre la décision de rouler en moto, choisir la bonne est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Quoique, qu’importe votre choix, ce ne sera pas le bon. Rouler en moto est plus un passe-temps qu’un légitime moyen de transport, et comme avec tous les passe-temps, ses adeptes sont toujours incollables. Ce n’est rien de moins que spectaculaire, que dans une si mince période d’espérance de vie, les motards réussissent à en savoir autant, comme les pêcheurs à la mouche ou les obsédés des entrées de train en gare.
Et parce qu’ils sont si calés sur le sujet, ils auront toujours les arguments pour démolir votre choix comparativement aux leurs.
Évidemment, cela a à voir avec cette pratique du «mettre le genou», un rituel exécuté quelques instants à peine avant cet autre accident fatal. Mais vous, bien heureusement normal, n’êtes pas intéressé à mettre votre genou au sol sur le chemin du travail à la maison et vice versa, avant de mourir.
C’est pourquoi j’ai choisi de tester la Vespa, qui est regardée de haut par les maniaques, parce qu’un scooter. C’est évidemment du racisme, s’en prendre à cette machine parce qu’elle n’a pas de cadre, c’est comme s’en prendre à ces pauvres qui louchent des deux yeux.
Vraiment, j’aime l’idée d’une moto sans cadre, parce qu’on peut s’y installer simplement, et que c’est une bénédiction pour les Écossais en jupe. J’aime aussi la Vespa parce que la plupart des motos sont japonaises, ce qui veut dire qu’elles sont increvables et qu’il est à peu près impossible d’éviter cet accident fatal par la grâce d’un défaillance mécanique. Ce qui n’est pas le cas avec la Vespa, étant Italienne.
Mais tout n’est pas rose, et il y a certains inconvénients à considérer. La Vespa n’est pas entraînée par une chaîne, à la place, le moteur est directement contre la roue arrière, pour des raisons qui se perdent dans la nuit des temps, et qui sont sommes toutes, sans importance. Quand même, cela veut dire que l’engin est plus large et muni d’une carapace comme une voiture pour envelopper les brûlantes pièces en mouvements. Ce qui le rend extrêmement lourd, et essayer de le relever une fois à terre relève de l’impossible.
Quoi d’autre, parce que le lourd moteur est sur la droite, la moto à tendance à tourner à droite beaucoup plus fréquemment qu’à gauche. Ce qui veut dire que, à chaque virage à gauche, préparez-vous à mourir. À moins d’avoir été éjecté juste avant par la seule vitesse de la chose. Ayant même atteint à un certain moment les 65 km/h, ce fut comme si un enfer de glace me martelait la poitrine. C’est à peine si je parvenais à tenir le volant de mes doigts meurtris et frigorifiés.
J’ai donc détesté mon expérience dans le monde du motocyclisme et ne le recommande à personne. Pour masochiste seulement.»
