Pour plusieurs, arrivé à un certain âge, la mort ne fait plus peur, appelons ça sagesse ou fatalité, mais ce qui demeure est les affres de la souffrance.
Arrivé sur le tard dans le monde de la moto, je n’ai pas eu l’excuse de la jeunesse pour faire fi des signaux «danger» que notre cerveau s’amuse à transmettre dès qu’une bonne dose d’excès pointe le bout de son nez.
Alors, pour poursuivre avec le thème du Top 3, après les belles sonorités, je vous propose trois machines qui me font encore hésiter, et avec lesquelles je n’ai pas roulé.
C’est donc la peur, je l’avoue, de ne pouvoir les maîtriser et de me faire désarçonner qui me retient.
Pas très macho que tout ça, j’en conviens, mais c’est ainsi. Le parachutisme, pas de problème, si ça cloche, c’est fatal, et on a même quelques secondes pour faire la paix avec soi-même avant l’ultime rendez-vous avec la terre ferme.
On n’a pas ce loisir au guidon du Yamaha V-Max, le premier de la liste, si on l’échappe alors que les 200 chevaux sont lâchés. Pas étonnant que la selle soit à deux étages, l’appui est plus que nécessaire lorsque le V4 de 1679 cm3, qui permet d’allumer le pneu arrière jusqu’au troisième rapport, décide qu’il s’agrippe à la route. Encore heureux que son empattement de 1700mm n’en fasse pas un candidat au cabrage intempestif. Fougueux, mais pas aussi maniable qu’on le souhaiterait, lourd et râblé, avec plus de puissance qu’il n’en faut, difficile de ne pas perdre la tête au guidon d’un tel monstre alors que le diablotin en nous nous pousse vers la limite. Et comme toujours avec ce type de mécanique, ce sont les limites de l’humain qui sont atteintes en premier, avec les problèmes que cela occasionne.
Pour dire vrai, ce n’est pas tant le V-Max qui me fait peur, après tout, le Yamaha MT-01 est une de mes motos préférées, bien que pas dans la même ligue, j’ai plutôt peur de moi-même, de laisser la bête mécanique prendre le meilleur où le pire de la bête en moi (ben oui, il y en a un peu), et que ça dérape, au propre comme au figuré.
Mieux vaut être sur ses gardes et absolument certains de ses moyens, car l’on peut rapidement devenir confortable là-dessus, rendant floue la zone limite.
Ma deuxième hésitation est la Honda Goldwing. Rien à faire, je n’arrive pas à me voir au guidon d’un tel engin. En fait, la seule image qui me vient à l’esprit est celle du petit Mowgli, du livre de la jungle, sur le dos d’un éléphant. Il y a là comme un évident décalage dans les proportions, et j’ai beau être un Nord-Américain, le «bigger the better» qui devrait avoir fait son chemin dans mon inconscient, ne semble pas vouloir prendre racine.
Il faut quand même avouer que cette moto est imposante avec ses 400 kg, son 6 cylindres à plat de 1832 cm3, sa capacité de 145 litres pour les bagages, et un confort à l’avenant. Tellement confortable, qu’il n’est pas rare de voir passager ou passagère faire une petite sieste, bien calé dans son siège, alors que la Goldwing file sans effort à plus de 140 km/h sur l’autoroute. De toute façon, un deux roues qui propose de série une marche arrière (amenée par le démarreur électrique), c’est déjà de la démesure.
Et comme si sa stature hors norme ne suffisait pas, on a sous les yeux et à porter de mains suffisamment de bling, bling pour faire de cette Honda la moto officielle de la Présidence Française actuelle. Radio, lecteur CD, interphone, régulateur de vitesse, réglage des phares et de l’amortisseur arrière, écran numérique et bientôt en option, distributeur de boissons fraîches.
Et puis, que fait-on si on échappe ce genre de truc? Pris dessous, il faut crier à l’aide, et demander au passager endormi de redescendre, sinon, ce doit être comme pour les baleines échouées, il faut attendre la marée haute.
BMW mettrait sur le marché une trottinette avec leur bicylindre Boxer, je serais probablement vendu à l’idée. Mais avec le R 1200 GS Adventure, on est loin de la trottinette, c’est en même l’antithèse. Pour poursuivre avec les métaphores animalières, si le Honda était un éléphant ou une baleine, ce GS est un chameau en habit de dominatrix. Il n’y a pas un bout qui dépasse qui ne soit protégé et cranté, ce que l’on peut aisément comprendre, avec une largeur de 990 mm, et les chemins pour lesquels l’Adventure est destiné. Puisqu’il faut s’attendre à se faire secouer, mieux vaut être en mesure de s’agripper.
Et c’est ici que j’hésite, le Boxer fait tout de même 1170 cm3, et avec les pneus sculptés, cette combinaison peut faire de jolies traces dans les gravillons. Le plaisir est donc au rendez-vous, j’en conviens, mais la chose chargée peut faire jusqu’à 475 kilos, et avec une hauteur de selle allant de 890 à 910 mm, quand on tombe, on tombe de haut, mieux vaut ne pas être en dessous, les fesses dans la boue.
En fait, pour être confortable sur la R1200 GS Adventure, il faut rouler, rouler et rouler encore. Ce qui tombe bien, car avec un réservoir de 33 litres, il a une autonomie de plus de 700 km, chameau je vous disais.
Mais à moins de vouloir faire le tour du monde par monts et par vaux, de haut en bas et de long en large avec une équipe de soutien et un acteur en vue comme coéquipier, on va passer notre tour.
Mais qui peut dire assurément «Fontaine, je ne boirai pas de ton eau» sans risquer de se contredire. Et comme il suffit de verbaliser ses peurs pour que déjà, elles nous semblent moins terribles, je me dis que si l’occasion se présentait sous peu, je laisserais peut-être le diablotin prendre sa revanche.
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