Souvenez-vous, mars 2006, Fernando Alonso, pilote surdoué mais grand enfant quand quelqu’un lui vole la vedette, réagit amèrement aux essais surmédiatisés et emplis de symboles de Valentino Rossi chez Ferrari: "On ne connaîtra son potentiel que lorsqu’il sera à l’arrivée d’une course. Il terminera peut-être 5ème ou sur le podium mais tout ce qu’il fait avec une F1, je peux le faire avec une moto si on me donne assez de temps pour me préparer". Voici pourquoi selon nous, c’est faux.
Ainsi si Vale apporte en F1 et en Rally (photo) sa fantastique lecture des trajectoires, l’occasion de voir Fernando enfourcher une monture avec la même réussite que dans le baquet de Formule 1 me laisse sceptique. Notamment en raison de la nécessaire maîtrise* de:
– commandes poignets-pieds étriquées avec une position aéro quasiment intenable
– l’effet gyroscopique sur la moto
– le transfert des masses (démarrage et surtout freinage)
– l’utilisation de la répartition du poids du corps sur la moto pour les passages en courbe: "balancer la moto"
– l’utilisation de la surface du corps comme "aérofrein" (le relevé de buste avant virage)
– le freinage sur l’angle, manoeuvre la plus difficile à deux roues sur circuit.
Alors que dans la maîtrise nécessaire du motard passant en pilotage de voiture, nous incluons:
– L’utilisation de la technique dite du "talon-pointe" (fait d’appuyer en même temps et avec le même pied, le droit, sur le frein et l’accélérateur), voire technique du double-débrayage,
– Une musculature spécifique de la nuque en raison de la tête qui encaisse les "g" dans les virages, notamment en F1, ChampCar et IRL, Formule Ford, Formule Renault, etc.
Pour vous en persuader regardez cette photo de Sébastien Bourdais, en fin d’article, lors de son couronnement pour la quatrième fois (consécutive) en ChampCar, record absolu, à Surfers Paradise en Australie.
D’autant que la synchronisation et la coordination exigées en conduite auto ont été très réduites grâce aux boîte de vitesse semi-automatiques, qui permettent de changer les vitesses en F1 et en Rally WRC grâce à des palettes derrière le volant.
Bref, l’occasion de voir un nouveau John Surtees, septuple** champion du monde moto puis champion du monde des pilotes de Formule 1 sur Ferrari*** (comme en lévitation sur l’asphalte sur cette photo), ou un Colin McRae, compétiteur moto avant d’être champion du monde WRC, est bien plus grande que de voir un conducteur passer de la voiture à la moto.
D’ailleurs on n’a pas connaissance de pilote ayant fait ce chemin inverse avec succès. Peut-être parce que la pratique du deux-roues nécessite de "faire corps" avec elle beaucoup plus que la voiture. Et que cette dernière est un peu à la base du pilotage, les motards maîtrisant souvent – et plus ou moins bien – cette conduite.
Mais je dois faire amende honorable et reconnaître que mon titre d’article était volontiers polémique, étant "mordu" de sports mécas sur deux et quatre roues.
*j’ai laissé volontairement de côté des caractéristiques que j’estime communes aux deux ou alors communes mais avec des variantes: esprit de compétition, sang-froid, développement des réglages sur leur véhicule respectif, travail du regard pour gérer les trajectoires, mise du véhicule "en travers", le contre-braquage, prendre l’aspiration derrière un concurrent.
**comme The Doctor à bien y regarder.
***d’où la symbolique des essais de Vale chez Ferrari évoqués en introduction.