
Si "a picture is worth a thousand words" comme disent les Anglais, alors celle-ci est encore plus parlante, loquace et volubile que n’importe qu’elle autre: Treizième tour, une impression de grand boulevard vide derrière Pedrosa, et une indication lapidaire: 2/46/1… Toute autre explication apparaîtrait superflue, et ce serait vous faire injure que de mettre un pilote sur ces numéros, si vous suivez l’actualité du MotoGP chez nous. Car le natif de Sabadell, à quelques dizaines de kilomètres de Montmelo, aura bel et bien écrasé la concurrence pour remporter son second grand prix de la saison, le sixième de sa carrière, et réduire son retard à sept points sur Vale, auteur d’une course effrénée et méritante.

L’ambiance électrique, survoltée même, ne ment pas: en l’absence de Lorenzo, blessé, les Catalans se sont choisis l’enfant du pays comme idole, certes mal aimé, hautain et réservé parfois jusqu’au mutisme, mais au moins aussi doué que son ennemi intime.
Dès le départ – qui fut volé par Toni Elias comme on l’apprendra officiellement plus tard – Dani Pedrosa , second sur la grille …grille la politesse à Stoner, champion en titre et surtout poleman. Et comme le montre très bien cette image, il devient le leader au premier virage. L’Australien qui essaie de lui faire l’intérieur en est quitte pour une leçon de freinage sur l’angle.

En moins de cinq tours il colle trois secondes à ses poursuivants, écart qu’il creusera pour le porter à huit secondes, et ceci pendant les deux tiers de la course, avec des temps canon inférieurs à 1’43 ». Avant de se contenter de gérer son avance dans les derniers tours, puisque Rossi franchira la ligne à trois secondes du vainqueur.
Il n’y aura donc pas de quatrième victoire rossiste d’affilée, comme on pouvait l’espérer, mais le septuple champion du monde n’a pas démérité, bien au contraire. Incapable d’exploiter tout le potentiel de ses Bridgestones en qualifs, l’Italien sait que, risquant une touchette ou une collision, il devra s’extirper rapidement de la meute. Ce qu’il n’arrive pas à faire au départ, sa position de neuvième restant inchangée, mais déjà à la fin du premier tour il pointe à une timide huitième place.

C’est en fait l’amorce d’une remontée méthodique et talentueuse, où consciencieusement et inexorablement les gommards de la YZR-M1 du Doctor semblent happer les motos de ses concurrents directs. Au troisième tour il dépasse Toseland alors septième, puis Hayden au cinquième tour pour s’afficher en sixième position. La LCR Honda de De Puniet, au septième passage, est sa victime désignée et trépasse.

Au tour suivant il avale son ancien coéquipier le double champion du monde de Superbike Colin Edwards, de dos sur ce cliché. La tornade texane comme on le surnomme, est submergée. Mais j’arrêterai là tout lyrisme mal venu et les métaphores concernant le vétéran américain, il n’a pas besoin d’une telle surcharge mélodramatique, lui qui accomplit une très bonne saison, et nous régale en jouant les équilibristes.

Le prodige de Tavullia s’affiche déjà dans le sillage, à défaut de prendre l’aspi, de Stoner, à la lutte avec ce diable de rookie de Dovizioso sur la JiR Honda n°4 qui refuse de plier. Rossi profite de cette passe d’armes entre les deux pilotes pour s’imposer devant eux, à la régulière, au neuvième tour.
Mais les choses n’en restent pas là, à l’avant dernier tour, le champion en titre reprend son bien à un Vale un peu "en dedans". Cependant le pilote Fiat-Yamaha le battra au freinage en bout du main straight. Au final seulement une demi-seconde séparera les deux hommes. Quant à Dovisiozo ses efforts n’auront pas été vains, car il a impressionné son monde avec sa quatrième place.

Au rayon des déceptions signalons le drapeau noir sanctionnant au neuvième tour Toni Elias qui a ignoré une pénalité de drive through pour avoir volé le départ, comme nous l’annoncions en début d’article. Il s’excusera de cette disqualification auprès de son team plus tard, le pilote Ducati déclarera:"Je n’ai pas de mots. Je suis désolé. Quelques secondes avant de le départ, j’ai fait quelques centimètres et je ne pense pas que cela ait été flagrant. Dans les premiers tours, je me battais avec Marco (Melandri), West et Guintoli et j’étais trop concentré sur la course. Quand j’ai vu le panneautage avec la pénalité, c’était trop tard."

Randy lui ne comprend pas les raisons de sa chute au douzième tour, alors qu’il tentait un dépassement sur Edwards, il a soudainement perdu l’avant de sa Honda n°14:
"Je suis très déçu car j’ai fait une très bonne qualification, la meilleure de cette saison. J’ai pris un très bon départ. J’ai pu garder ma position car j’avais un bon rythme, je ne forçais pas du tout. J’attendais le bon moment pour doubler Edwards mais j’ai perdu l’avant dans le virage numéro un. Je ne comprends pas pourquoi je suis tombé. J’ai eu la même chute vendredi. Je n’ai fait aucune erreur et je vais voir les données pour comprendre", a-t-il déclaré.

Loris "Capirex" Capirossi quant à lui a lourdement chuté de sa Suzuki, se blessant sérieusement à la main, au point de remettre en question sa participation aux prochains GP en Angleterre et aux Pays-Bas:
"Cela a été un week-end très difficile car j’ai senti que la machine marchait vraiment bien. Je pense que j’aurais pu me battre avec Chris et James Toseland mais de Angelis m’a mis hors course. C’est la course. Je suis légèrement blessé et je dois donc faire attention et je ne suis pas certain d’être de retour pour les deux prochaines courses. On verra."

Nakano ne rentre pas dans les points, et échoue à la plus mauvaise place, en neuvième position, le japonais dit vouloir revoir entièrement le set-up de sa Honda.
"Je crois qu’il y a beaucoup à changer sur la machine, en particulier dans les réglages qui doivent être plus proches de ma manière de piloter. J’ai besoin d’avoir une machine afin d’être plus agressif en début de course", a-t-il notamment déclaré.

Sylvain Guintoli malgré des erreurs de pilotage, ralie l’arrivée en finissant treizième sur sa Ducati D’Antin:
"Je ne suis pas très satisfait. J’ai démarré difficilement la course et me suis retrouvé dernier. J’ai essayé ensuite de dépasser Toni mais j’ai fait une petite excursion hors-piste. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour revenir sur West et Melandri mais, à ce moment-là, j’ai commencé à perdre l’adhérence à l’arrière. J’espère faire mieux lors des tests de lundi et mardi."

Quant au coéquipier du vainqueur du jour, Nicky Hayden, qui fut un champion du monde tout à la fois chanceux, talentueux, professionnel, et humainement hors-norme, il faisait part aux journalistes de sa frustration malgré sa huitième place:
"On savait que la course serait difficile. Notre machine a bien marché mais on n’arrive pas à encore à bien régler la machine afin que la durée de vie des pneus ne pâtisse pas. J’étais rapide au début et je n’ai pas pu tenir. C’est frustrant. Le frein arrière ne marchait pas très bien. Avec ça, une huitième place ce n’est pas terrible. Les deux jours de tests qui arrivent seront très importants."

Pos Rider Bike Time 1. Dani Pedrosa Honda (M) 43:02.175
2. Valentino Rossi Yamaha (B) + 2.806
3. Casey Stoner Ducati (B) + 3.343
4. Andrea Dovizioso Honda (M) + 10.893
5. Colin Edwards Yamaha (M) + 16.426
6. James Toseland Yamaha (M) + 21.482
7. Chris Vermeulen Suzuki (B) + 21.548
8. Nicky Hayden Honda (M) + 22.280
9. Shinya Nakano Honda (B) + 22.375
10. John Hopkins Kawasaki (B) + 46.835
11. Marco Melandri Ducati (B) + 57.991
12. Anthony West Kawasaki (B) + 59.168
13. Sylvain Guintoli Ducati (B) +1:00.779
Retirements:
Rider Bike Laps
Randy de Puniet Honda (M) 11
Alex de Angelis Honda (B) 10
Loris Capirossi Suzuki (B) 10
Toni Elias Ducati (B) 7
